Elisabeth Sandillon

La création est la clef de ma liberté.

J'ai affirmé au fil des ans mon univers par un langage propre et approché un processus de création idéal. Les caractéristiques techniques de ma peinture sont les fonds travaillés en plusieurs passages de couches colorées, adoucies, laissant apparaître les superpositions par endroit, un motif central tout en matière et épaisseur, des scarifications, l'utilisation de noir profond pour cerner des éléments, la juxtaposition de brillances et de mats. A l'encre, les scarifications deviennent traits de plume, le motif central s'épaissit grâce à la gomme laque, des brillances peuvent également côtoyer des parties mates.

Mon expression se situe dans l'abstraction figurative. Ma rencontre avec l'abstraction s'est faite dans les années 84, lors d'une exposition au Centre Beaubourg de toiles de Kandinsky. Depuis, beaucoup d'autres peintres ont marqué et ouvert mon imaginaire,dans l'abstrait ou non, et notamment de Staël, Mitchell, Monet, Zao Wou Ki, Kirkeby, Apel, Richter, Bosch, Bacon, Ernst, Redon, Bram Van Velde... A chaque exposition, une émotion intense devant un univers si personnel, novateur, puissant. Pour autant, je n'ai pas la sensation de pouvoir précisément m'identifier à une famille, à un mouvement, mais plutôt à plusieurs. Cet héritage inestimable si varié a enrichi et libéré mon travail.

Lorsque que je commence une toile, je me concentre principalement sur les effets du médium que j'utilise, le geste et le rythme. Sans rien attendre de précis, j'ai la certitude que quelque chose va naître. Des formes jaillissent alors, sous des entrelacs de racines ou dans le silence d'espaces d'errances. Elles palpitent au rythme des respirations du monde, seules dans l'obscurité ou la lumière naissante. Ces êtres de l'intime, là où se cachent mémoires et rêves, sont d'évidentes présences en mutation. Ils sont grouillements vivants et protéiformes. Entre le chaos d'un début et la forme accomplie, ils s'installent dans la réalité présente et me surprennent. J'aime les brumes envahissantes, les espaces isolés où les métamorphoses naissent et les pulsions de vie jaillissent.

Je me suis souvent aperçu que ce qui me paraissait évident ne l'était pas forcément pour celui qui regardait, et lorsque j'y mettais un titre, cela limitait l'imaginaire. Mais pour qui me le demande, je peux raconter ma version de l'histoire.