L'intimisme de Jia Juan Li s'enracine dans une double culture, chinoise et française, grâce à laquelle elle maîtrise les techniques picturales pour un art dont elle domine non sans une certaine grandeur les arcanes. Cela implique une constance dans le dépassement de soi, le recours à des sentiments modestes pour augmenter la capacité poétique de la peinture. Autant de qualités qui contribuent à l'éloquence d'un style, porteur d'un principe décoratif généralisable. Peintre d'émotion, elle simplifie les formes à partir d'une ligne qui accentue leur structure et leur caractère.

Il schématise pour mieux encourager l'errance. De l'alliance entre son assimilation de la peinture de la dynastie Song, et la peinture des Nabis (une filiation qu'elle ne nie pas) naît un langage de sérieux et de mélancolie suggérant le rêve d'une vie stylisée. Quelle que soit sa capacité à communiquer la poésie de l'âme, elle commande néanmoins un univers en apparence banal, que seules ses qualités de designer et coloriste transfigurent. Son style pictural et atmosphérique fait des merveilles. Il est imprégné d'une lumière irréelle, ni celle du soleil levant, ni celle du soleil couchant, mais cela, capable d'introduire une sensation d'énigme que rien ne laisse soupçonner chez ces sujets naturalistes aussi réfléchis que savoureux.

Avec ses représentations de portraits de femmes, de jardins, de scènes intérieures vides ou animées par des personnages, elle déplace la réalité, atténue son agressivité déformante, au profit de la méditation, envahie comme elle l'est par une immense retenue dans son geste fervent. Celui-ci explore l'espace d'une mystérieuse aventure intérieure ouverte sur l'introspection de tout ce qui s'offre à lui à la fois de près et de loin.

Lydia Harambourg