Au début des années 2000 je connaissais vaguement son nom. Je ne l’avais jamais croisé, j’ignorais tout de sa production. Un jour, un ami commun, me proposa de venir jusqu’à son atelier, un hangar à la périphérie de Sète. Je me souviens d’un éclectique bric-à-brac : papiers découpés, dessins, collages, gouaches, tel qu’on s’attend à le trouver dans l’antre d’un artiste.

Dans un bazar, l’accumulation vous donne la sensation d’être un découvreur lorsque vous tombez sur une pièce qui vous parle. Moi, ce jour-là, ce sont de petits « livrets » qui ont capté mon attention. Ils étaient posés au bout d’une longue table de travail. Sur quelques pages, Campos, raconte de brèves histoires, avec une poésie un peu surréaliste et un graphisme en même temps enfantin et “cultivé“. La délicatesse, le mystère subtil, des dessins et des thèmes, m’ont semblé concorder avec la personnalité de l’artiste que je percevais instantanément : discrétion, pudeur, élégance. Il ne rechignait pas à expliquer ses créations, il le faisait avec réserve, comme un chanteur qui ne lâcherait pas toute sa puissance.

En sa présence, je me souviens avoir pensé à cette phrase de Nietzsche : « L’art n’a pas besoin de certitudes ». Alain Campos me semblait, à chacun de ses mots, à chacun de ses gestes, personnifier l’affirmation du philosophe. Il ne mettait aucune pression au galeriste que j’étais, il semblait faire confiance à son œuvre et au temps.

Les années ont passé et, longtemps après cette première rencontre, je l’ai retrouvé dans son nouvel atelier sur le Quai du Maréchal De Lattre de Tassigny. J’ai commencé à faire l’acquisition de pièces qui me plaisaient: des travaux sur papier ou sur bâche. Ce n’est que bien plus tard qu’il me rendit enfin visite dans ma galerie.
Nous avons pris l’habitude de nous retrouver de temps en temps pour bavarder de choses et d’autres mais jamais il ne tentait de me convaincre de quoi que ce soit. Il poursuivait sa trajectoire sans certitudes et sans pression. Cette force de caractère m’a amené naturellement à lui proposer une exposition chez moi. J’ai le sentiment qu’il le savait depuis toujours mais, à sa façon particulière, il laissait le temps faire son œuvre et son œuvre s’installer dans le temps. Cette sagesse, cette puissance toute en réserve, lui assure la durée, ce qui pour un artiste est le but ultime.


Yves Faurie