Rencontre avec Gaël Charbau, commissaire d'exposition

Interview

Rencontre avec Gaël Charbau, commissaire d'exposition  - illustration 1

Gaël Charbau est un critique d'art et commissaire d'exposition indépendant. Il a été directeur éditorial du Salon de Montrouge de 2009 à 2014. Il a fondé en 2003 un bimestriel gratuit sur l'art contemporain, édité jusqu'en 2010, dont il a été rédacteur en chef pendant sept ans. Il édite et coordonne régulièrement des ouvrages sur l'art contemporain. Son travail s'inscrit dans l'actualité artistique contemporaine, notamment avec sa nouvelle exposition monographique de Gilles Barbier à la friche Belle de Mai à Marseille. Artsper a eu la chance de rencontrer l'un des commissaires d'exposition les plus influents du moment !

Artsper : Pourriez-vous nous présenter votre parcours ?

Gaël Charbau : J'ai étudié l'histoire de l'art et l'esthétique à l'université et durant mes années d'études, j'ai aussi développé une « pratique » artistique que j'ai progressivement abandonnée car il s'agissait sans doute d'un bricolage mélangeant mon plaisir de vouloir toucher à tout et une insatisfaction chronique. J'ai toujours écrit en revanche, c'est donc assez naturellement que se sont rencontrés le goût pour l'art et celui de l'écriture. J'ai créé en 2003 le journal Particules, qui a été édité jusqu'en 2010.

Artsper : Quelle fut votre première exposition en tant que commissaire ?

Gaël Charbau : Certains projets embryonnaires remontent aux années où j'étais étudiant, mais celle que je peux revendiquer en tant que « commissaire » - terme dont on pourrait largement discuter - est sans doute « L'importance des sujets », en 2009, première exposition en galerie de l'artiste Neïl Beloufa. C'était à la galerie LHK, qui n'existe plus aujourd'hui, le lieu a été repris par la galerie Jousse Entreprise. Avec Perséphone Kessanidis (directrice de LHK à l'époque), nous étions fascinés par ce très jeune artiste, impertinent et précis, un funambule qui marchait à la frontière des genres, à la fois réalisateur, conteur et sculpteur. Neïl savait très bien ce qu'il voulait faire et mon rôle a surtout consisté à trouver le liant entre toutes les pièces et l'aider à y voir clair dans l'espace relativement réduit de la galerie. Depuis, j'ai essayé de le montrer à chaque fois que j'en avais l'occasion.

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Artsper : Quelle exposition vous a confronté aux plus de difficultés ? À l'inverse quelle exposition vous a semblé la plus évidente à réaliser ?

Gaël Charbau : Toutes les expositions génèrent leurs lots de difficultés, de problèmes matériels, d'éclairages, d'espaces, de transports... L'exposition « Le cambrioleur – The Housebreaker » qui vient d'ouvrir à Riga en Lettonie à laquelle j'ai travaillé avec l'Adiaf a été complexe à organiser pour des raisons matérielles par exemple, notamment concernant des questions liées aux lumières et aux cimaises sur lesquelles je suis assez exigeant. A Séoul, j'ai aussi rencontré pas mal de difficultés sur mes scénographies... « Parapanorama », que j'ai imaginé avec le programme Audi Talents Awards au Palais de Tokyo en 2014 était aussi très complexe dans l'organisation, mais pour un résultat très jouissif, puisqu'on créait des œuvres « en direct », l'atelier était sous les yeux du public. Quant à citer une exposition « évidente », je dirais qu'elles sont toutes évidentes au départ à mes yeux... c'est ensuite, quand il faut les planifier, les financer et les monter que les problèmes apparaissent !

Artsper : Lors du Prix Emerige, vous sembliez être très proche des jeunes artistes avec lesquelles vous travailliez, pourriez-vous dire que vous prenez davantage de plaisir à travailler avec de jeunes artistes émergents ?

Gaël Charbau : J'aime énormément travailler avec les artistes, c'est - je crois - une évidence partagée par tous les commissaires. Avec les plus jeunes, le plaisir vient en particulier de l'énorme investissement, sentimental, intellectuel et matériel qu'ils fournissent sans compter. J'aime découvrir avec eux des « voies souterraines », des pistes de travail et de lecture qui ne sont pas encore explorées dans leurs œuvres et qui sont pourtant présentes, en germination, en attente d'un éventuel développement.

Artsper : En quoi la promotion Emerige 2015 se différencie-t-elle ou se rapproche-t-elle de celle de 2014 ?

Gaël Charbau : L'une des originalités des Révélations Emerige est d'associer une galerie importante au programme. Le ou la lauréat(e) aura une exposition personnelle en 2016 à la galerie GP&N Vallois, qui a donc été très intimement liée à la pré-sélection. Comme l'année dernière, les artistes que nous accompagnons pour cette édition ont des esthétiques très différentes, des propos qui se situent parfois aux antipodes. Pourtant, il m'a semblé déceler un point commun dans leurs pratiques : une relation particulière à l'expérience et à la connaissance de la matière. J'ai donc intitulé l'édition 2015 « Empiristes », un mot un peu étrange lorsqu'il est ainsi isolé, mais qui désigne ceux qui manipulent l'expérience, à entendre dans les différences sens du mot. L'exposition sera assez différente de celle de l'année dernière qui s'intitulait « Voyageurs ».

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Artsper : Racontez-nous votre rôle au sein du salon de Montrouge depuis 2009.

Gaël Charbau : Lorsque Stéphane Corréard a renouvelé le Salon en 2009, il m'a demandé de me charger notamment de la mise en place du « Collège critique ». Il s'agissait de recruter des professionnels de tous horizons, critiques d'art bien sûr, galeristes, commissaires, mais aussi des écrivains ou des directeurs d'institutions, tous invités à porter ce « premier » regard si important sur le travail des artistes du salon. Ils devaient les accompagner dans leur accrochage et bien entendu écrire un texte pour le catalogue, dont j'avais aussi la responsabilité. J'ai fait de mon mieux pour accompagner Stéphane dans cette importante aventure jusqu'en 2014.

Artsper : Quels sont vos projets futurs ?

Gaël Charbau : Je continue à travailler avec des institutions et des mécènes, là où je peux être utile pour les artistes. J'ai pour ambition notamment d'essayer d'aider les plus jeunes artistes ainsi que les artistes en « milieu » de carrière, à ce moment un peu étrange de la carrière où le public croit connaître leur travail, mais où certains créateurs sortent un peu du cadre de l'actualité ou des radars. C'est dans cette logique que j'ai pensé la rétrospective de Gilles Barbier à la friche Belle de Mai à Marseille, que l'on peut voir jusqu'au début janvier 2016. L'exposition partira ensuite à Séoul, au MMCA, dans une nouvelle configuration à laquelle je travaille. On peut aussi voir jusqu'en novembre 2015 l'exposition « The Housebreaker » à Riga où je présente les œuvres de 56 artistes français, empruntés à six collectionneurs, membres de l'Adiaf. D'octobre à décembre 2015, je donne carte blanche à Pauline Bastard, lauréate du programme Audi Talents Award, au collège des Bernardins. Son projet « Alex » y sera dévoilé pour la première fois. Début novembre commencera l'exposition des 11 artistes nommés aux Révélations Emerige 2015, « Empiristes ». On pourra aussi découvrir du 12 septembre au 12 octobre la très belle exposition de Stéphane Vigny à Maisons-Laffitte, dont j'ai aussi assuré le commissariat. Voilà pour l'immédiat !

Artsper : Que pensez-vous du projet Artsper ?

Gaël Charbau : Je crois que toutes les initiatives qui peuvent diffuser l'art, contribuer à son économie, aider les artistes et « démocratiser » leur travail sont excellentes ! Rendre l'art contemporain plus accessible, plus visible, c'est aider à complexifier notre regard sur le monde. C'est l'inverse des pensées « immédiates » auxquelles nous poussent les sociétés capitalistes. L'art nous oblige à ralentir notre regard. Une œuvre est un vecteur liant deux êtres par le regard. C'est très proche de l'amour, et comme vous le savez, c'est la seule chose susceptible de changer quelque chose au monde... ! Tout ce qui peut donc y contribuer, notamment posséder de l'art chez soi comme le propose Artsper, doit être encouragé !


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