Anany a décoré Chauvet 2 avec ses "Pierres de rêve"
L'artiste installée dans le Sud-Ardèche fabrique la pierre qu'elle transforme en rêve. Elle est l'une des trois à avoir l'honneur d'orner les murs de l'une des salles des congrès de la Grotte Chauvet 2 de façon permanente.
Mon atelier prend l’eau et au final, ça me plaît ! Car si je suis en Ardèche, c'est parce que la rivière m'a appelée... »
Anany est une artiste dans tout ce que le mot peut engendrer comme imaginaire. Rencontrée au lendemain des inondations du 17 octobre à Saint-Martin-d'Ardèche, à l'extrême-sud du département, alors qu'elle montre son lieu de travail encore recouvert de limon aux sa-peurs-pompiers, son art et son discours attiraient l'œil malgré les circonstances. Au point de prendre rendez-vous avec elle, quelques jours plus tard.
Elle rouvre alors la même porte d'une magnifique bâtisse située à quelques mètres de la rivière Ardèche enfin rentrée dans son lit naturel. Il s'agit d'un ancien garage à bateaux, intégralement construit en vieilles pierres et sans autre ouverture.
Partout, des bougies éclairent ses œuvres et ustensiles disséminés çà et là.
« C'est ma grotte à moi »,
commente Anany non sans référence à son art.
Une expression qui n'est pas qu'une simple formule car elle souhaite recréer les conditions d'éclairage des premiers hommes pour travailler certaines de ses œuvres. En revanche, quand elle veut que son art explose, elle crée dans un autre atelier baigné de lumière situé sur les hauteurs, à Saint-Just d’Ardeche.
Le déclic Chauvet
Depuis plusieurs années, celle qui est née en Belgique, et qui a traversé l'Atlantique pour vivre à New York avant de tomber amoureuse du sud de la France, travaille la pierre. Une matière qu'elle reconstitue, agglomère, combine avec des pigments, de l'ocre, du charbon ou du brou de noix et qu'elle compare à ce que faisaient les artistes préhistoriques.
« j'ai été parmi les premières à admirer les photos des dessins de la grotte Chauvet.
Entre l'artiste Anany et ses œuvres, la connexion est permanente, comme ici avec sa Pierre de rêve commandée pour orner une salle des congrès de la Grotte Chauvet 2.
Photo Le DL/Valentin Lecaille
Je suis tombée en admiration et me suis assise face aux falaises.
En me mettant à la place de nos ancêtres, je me suis demandé quoi utiliser pour transmettre cette beauté naturelle. La pierre est venue simplement car elle représente l'univers et la matie-re.»
Des pigments qu'elle fabrique elle-même et magnifie grâce à une résine dont elle seule a le secret. « J'y enferme également du papier transformé en pierre.
Car avant, l'homme gravait ses messages dans la roche », complète l'artiste qui aime imprimer du mouvement à son art et évoquer l'opposition, la réac-tion, dans les yeux de celui qui admire son travail.
Le charbon permet notamment d'illuminer une œuvre grâce à ses reflets produits par une source lumineuse. La source d'inspiration est simple :
« Il faut imaginer les hommes des
cavernes pénétrant, torche à la main, dans des cavités qui scintillaient de toute part. Cela devait être féerique ! »
En amoureuse de la nature, elle réalise également des toiles intitulées Fleurs des champs, des chimères en bronze (fondues à Crest), et travaille la porcelaine.
«J'empierre un concentré de couleurs »
De cet esprit créatif, sortent également des Pépites de rêve qui sont des petits « bijoux d'intérieurs » présentés sur une tige métallique et qu'elle compare aux merveilles qu'elle peut trouver au fond de la rivière Ar-dèche. Sur le même procédé, ses Pierres de rêve peuvent se révéler beaucoup plus massives.
C'est le cas de celles exposées dans l'une des salles des congrès de la Grotte Chauvet 2 et qui font la fierté d'Anany car rares sont les artistes à pouvoir y exposer de façon permanente.
L'une fait deux mètres par deux, l'autre un mètre par un, et sont accrochées de façon invisi-ble, pour donner une impression de flottement, comme si elles pouvaient se déplacer sur le mur. Elles se sont retrouvées dans ce lieu symbolique grâce à une architecte d'intérieure ob-servatrice, d'une part, et beaucoup par alignement des planè-tes, tant la présence d'Anany dans ce lieu fait sens.
« Je ne remercierai jamais assez les trois découvreurs de la grotte car ils ont fait ma nouvelle vie d'artiste. Les œuvres qu'elle renferme remettent en cause l'histoire de l'art ! »
Evidemment, Anany a été prélever des fragments de terre situés aux abords de la grotte pour réaliser ses œuvres majeures.
« Qui prélève une pierre tient dans sa main des millions d'années de vie concentrées. Moi, j'empier-re un concentré de couleurs dans la pierre pour en faire une tresque étincelante. » Sera-t-elle encore visible dans 30 000 ans? Mystère !
Article paru dans le Dauphiné Libéré lundi 25 novembre 2025 Montelimar Drôme Provençale
•Pierre Brunet JOURNALISTE Dauphine libéré
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