Photos 1 et 3 : Le salon éclectique de Nicolò à Londres ©James McDonald / Photos 2 et 4 : La maison de Nicolò à Milan, aux couleurs et à la décoration influencées par le Maroc ©Guido Taroni

Entrez dans l'univers du designer Nicolò Castellini Baldissera qui ouvre pour Artsper les portes de ces deux demeures à Milan et à Londres. Laissez-vous surprendre par son style éclectique et vivant, ses inspirations artistiques singulières et ses meilleurs conseils pour rafraîchir la décoration de votre maison...

1. Bonjour Nicolò ! Tu es né à Milan et tu as étudié l'histoire de l'art à Londres. Maintenant, tu partages ta vie entre ces deux villes. Tu portes aussi un amour inconditionnel pour le Maroc, tout spécialement pour Tanger. Comment, selon toi, ces trois endroits différents ont-ils influencé ton style et ton approche du design ? 

Dès que j'ai quitté le cocon familial pour m'installer à Londres en 1989, j'ai tout de suite aimé cette façon de vivre à plusieurs endroits différents. Avoir un pied dans deux pays - et dans deux cultures différentes - renouvelle à chaque fois mon expérience du retour à la maison. Dans ma jeunesse, j'ai quitté Milan parce que la ville me semblait monotone et étouffante, et, petit à petit, j'ai commencé à ressentir la même chose pour Londres : c'est la raison pour laquelle je n'y vis plus maintenant. 

La province a un charme unique, surtout quand on peut s'y échapper de temps en temps. J'aime jouer avec ces endroits, adopter leurs code de design et les bouleverser. Par exemple, la décoration de ma première maison à Londres était très exagérée. On y trouvait des rideaux en toile de jouy, un lit à fleurs de lys, un canapé tapissé de la fabrique Timney Fowler et de gigantesques portraits de couleurs taupe et ocre. 

J'achète principalement des objets design lors de mes grands projets de décoration, que ce soit pour un client ou pour moi-même, et je les garde pendant des années. J'aime redonner un contexte à un objet : un morceau de broderie marocaine de Fès placé au-dessus d'un lit à Venise par exemple. C'est merveilleux lorsqu'un objet que vous possédez depuis si longtemps et que vous ne remarquez plus, attire de nouveau votre attention dès que vous le changez d'emplacement. 

Le mélange entre un style italien traditionnel et le décor marocain crée un espace de vie inhabituel et éclectique ©Guido Taroni

2. Quel est le projet de design dont tu es le plus fier à ce jour, et pourquoi ? 

Ma première maison au Maroc, qui se trouvait dans la médina (partie ancienne de la ville, composée d'un dédale de rues piétonnes étroites). Lorsque j'ai acheté cette maison, le rez-de-chaussée était en terre battue et le toit grand ouvert. Je suis tombé amoureux du volume du riad, reliant presque le sol au ciel, mais complètement emmuré et sans fenêtres extérieures. Ces travaux ont été un véritable défi logistique, que je suis très fier d'avoir mené à bien. 

3. Quels artistes, designers ou mouvements artistiques sont pour toi des sources d'inspiration ?

J'aime beaucoup le travail de Piero Portaluppi, Nightingale David Hicks, Henri Matisse, Odilon Redon ou encore celui de certains ébénistes allemands et français de la fin du 18ème siècle, tel que Jean Henri Riesener. J'apprécie tout particulièrement Matisse parce qu'il avait un sens aigu du design et qu'il savait parfaitement comment agencer ses œuvres dans ses expositions.  

4. En tant qu'amateur d'art, comment intègres-tu des œuvres d'art dans tes projets ? Quels liens peut-on établir entre l'art et le design selon toi ? 

On pourrait dire que l'art émane d'une expression personnelle, alors que le design est une solution donnée à un problème collectif. Pour transformer le vide d'un appartement ou d'une maison en un foyer convivial, je pense qu'il faut à la fois l'individualité de l'art et la réponse collective du design. 

Dans ma maison à Milan, j'ai redesigné une table de salle à manger créée à l'origine par mon arrière-grand-père, Piero Portaluppi. La salle à manger s'ouvrant sur le salon, les lignes élégantes et le support central de la table sont parfaitement mis en valeur par l'orientation de la pièce. Derrière, la photographie de l'artiste Didier Massard est silencieuse, mystérieuse et riche de sens. Plutôt que de se concurrencer, les deux éléments renforcent le caractère dramatique de la pièce.

Pendant mon confinement l'année dernière au Maroc, j'ai créé Casa Tosca, une entreprise de mobilier. Pour apporter une atmosphère plus luxueuse et naturelle à une pièce banale, nos meubles sont fabriqués en rotin et en roseau tressés. Mais le bois utilisé pour ces meubles - protégés par un vernis transparent - ne peut pas aller plus loin dans la transmission de ce message, et l'art devient alors un excellent moyen pour y remédier. 

Le papier peint coloré ajoute du caractère à la maison de Nicolò à Milan ©Guido Taroni

5. Es-tu toi-même un collectionneur d'art ? Quelles œuvres d'art peut-on retrouver chez toi et lesquelles rêves-tu de posséder ?

Issu d'une famille de collectionneurs, j'ai hérité de cette passion et je collectionne moi aussu de l'art. Enfant, j'adorais les animaux, une passion que je partageais avec mon père, et, toutes les semaines, j'insistais pour aller au zoo de Milan, aujourd'hui disparu, dans le Giardini Pubblici. La taxidermie, les minéraux et les fossiles ont fait partie des toutes premières choses que j'ai collectionnées. L'une de mes plus anciennes pièces est un singe de Diane que j'ai acheté chez Emma Hawkins à Londres.

Mais c'est de ma mère que je tiens mon goût pour l'art abstrait et moderne. L'une de mes pièces préférées de ma collection est un Tancredi que j'ai hérité d'elle. Les cubes répétitifs et les couches d'empâtement de cette toile offrent toujours une nouvelle interprétation. Récemment, je me suis beaucoup intéressé à la sculpture. Il y a quelques années, j'ai découvert un bronze de Nicola Lazzari que j'aurais rêvé acheter. Cette œuvre combine une matérialité et une scénographie que je trouve très intéressante. Mais surtout, elle pouvait être placée de plusieurs façons différentes. 

6. Quel lieu artistique ou centre culturel t'inspire le plus ?

J'adore le Sir John Soane's Museum de Londres, les salles d'époque du Metropolitan Opera de New York et le Musée d'histoire naturelle de Venise. Selon moi, il est très important d'admirer l'art dans un endroit spacieux, en particulier dans une maison.

7. Et enfin, quel conseil donnerais-tu à une personne qui souhaite apporter une touche de fraîcheur à son intérieur sans pour autant tout changer ? 

Le changement le plus simple et le plus effectif que l'on puisse faire est de peindre les murs. J'aime acheter des pigments de couleurs et des liants pour les mélanger sur place. C'est le meilleur moyen de choisir sa propre couleur, en fonction de la luminosité de la pièce et de la décoration. Et n'hésitez pas à peindre le plafond, en particulier dans les pièces exposées au nord. Si vous n'avez pas de moulures assez épaisses, peignez-les, et pour une finition plus complexe, essayez les rayures. 

Le contraste entre le glamour et la décoration excentrique crée un espace de vie unique et charmant dans sa maison à Londres ©James McDonald