Exposition « Sol Lewitt » par Cécile Degos au Centre Pompidou Metz, 1994 © Alix Marnat

Rencontrez Cécile Degos; scénographe émérite depuis plus de 20 ans, sa passion pour la scénographie s'est développée dès ses débuts aux Arts Décoratifs à Paris, nourrie par une sensibilité artistique aiguisée. À travers des collaborations prestigieuses avec des institutions telles que le Musée d'Art Moderne et la Collection Pinault, Cécile a su insuffler sa vision unique, conjuguant harmonieusement formes, espaces et œuvres. Son approche discrète mais puissante fait de chaque exposition une expérience immersive, où la mise en valeur des chefs-d'œuvre prime sur toute autre considération.

1. Bonjour Cécile Degos ! Merci de parler avec nous aujourd'hui. Pourriez-vous commencer par vous présenter à nos lecteurs ?

J'ai une formation artistique et au fil du temps et des rencontres je suis devenue scénographe. Je mets en scène des expositions en France et à l'étranger depuis plus de 20 ans C'est un travail de l'ombre très complet qui nécessite d'avoir une perception fine de l'espace, une capacité à anticiper les souhaits des commissaires ou des collectionneurs, une aisance dans le dialogue avec l'ensemble des corps de métiers pour régler les problèmes techniques et beaucoup d'abnégation.

2. Comment avez-vous développé votre passion pour la scénographie ?

Je suis rentrée aux Arts Décoratifs à Paris la même année que mon bac( même avant mon bac avec le calendrier) et j'ai choisi la scénographie pour garder le maximum de matières artistiques sans me spécialiser en graphisme ou en espace car j'avais besoin d'expériences diverses, de découvertes et de rencontres. J'étais forte en maths et dans l'espace, moins bonne en littérature avec une sensibilité exacerbée ….et ça n'a pas beaucoup changé aujourd'hui. Mon professeur de Dessin Charles Auffret et ma professeur de sculpture Arlette Ginioux m'ont énormément appris et m'ont donné confiance en moi. J'ai ensuite eu des premières expériences dans le théâtre et l'opéra en assistant le décorateur Richard Peduzzi puis me suis rapidement dirigée vers la scénographie d'expositions qui correspondait bien à mon univers.  

Projet par Cécile Degos : Christie's, Hubert de Givenchy, 2O22 © Alix Marnat

3. Quels ont été les événements phares de votre carrière en tant que scénographe ?

Il y en a beaucoup car mon métier est fait de rencontres avec des personnalités du monde artistique mais pas que. Chaque projet est une nouvelle découverte, d'abord avec les œuvres, puis avec les hommes et femmes de tous niveaux. Ce qui est très enrichissant, c'est le dialogue sur un même chantier avec un grand collectionneur, un directeur ou commissaire et un ouvrier. Nous avons un objectif commun de mise en valeur. C'est un travail d'équipe très gratifiant.

Quelques-unes de mes scénographies (rencontres) marquantes sont par exemple:

- Chirico (Musée d'Art Morderne)

- Sol Lewitt au centre Pompidou Metz

- Basquiat / HARING (Musée d'Art Morderne)

- Charles 1st à La Royal Academy à Londres

- Le Musée de la Légion étrangère à Aubagne

- Le Palais de Monaco

- Christie's

- La Collection Pinault à la Bourse de commerce de Paris depuis l'ouverture

- Olga Picasso au Musée Picasso Paris et le Musée Picasso à Malaga

4. De quelle manière la conception d'une exposition est-elle réalisée ?  

La conception d'une exposition est un travail qui peut être plus ou moins long selon les projets. Il faut absorber comme une éponge le discours scientifique du commissaire et les œuvres à montrer, puis trouver les solutions esthétiques et techniques pour les intégrer dans l'espace en jonglant avec les sensibilités et les souhaits de chacun. C'est la transformation d'un propos et d'un choix d'œuvres en une expérience, une exposition. C'est à la fois un métier de moyen terme avec des dizaines de projets dans un horizon de plusieurs mois et un métier de l'urgence pendant les montages. C'est ce qui est passionnant et riche.

Une scénographie réussie de mon point de vue est une scénographie « invisible » qui met en valeur les chefs d'œuvres et le contenu scientifique sans effet ostentatoire. Il faut que le visiteur pense qu'elle a toujours été là et ne la voit peu ou pas et surtout qu'elle ne prenne pas le dessus sur les œuvres.. Cela veut dire que les proportions, les détails, les couleurs, l'intégration dans le lieu …sont en harmonie. C'est un métier de modestie où il ne faut pas avoir d'égo car les visiteurs viennent voir les œuvres mais pas la scénographie. La plupart du temps ils ne soupçonnent pas tout le travail nécessaire pour concevoir une scénographie réussie et c'est mieux comme cela.

Exposition « Prendre le soleil » par Cécile Degos au Hangar Y, 2023 © Alix Marnat

5. Parmi vos projets collaboratifs avec de grands noms du monde de l'art (Christie's, Galerie Perrotin, Bourse du Commerce - Collection Pinault, Palais de Monaco, Musée d'Art Moderne de Paris...). Quelle a été votre collaboration préférée ?

Elles sont toutes enrichissantes ! Ce qui me plait est d'être confronter à des lieux, des œuvres et des gens différents. Ne jamais faire la même chose. Ne pas avoir de routine. J'ai une certaine affinité avec les courbes (Musée d'Art Morderne et Collection Pinault) . Il m'arrive parfois d'en ajouter ! J'aime aussi le dialogue entre le vide et le plein, l'opacité et la transparence, l'harmonie.  

6. Quels sont les défis auxquels vous êtes confronté en tant que scénographe ?

La scénographie est comme un jeu dont la règle est la suivante :

Il vous faut :

- des hommes et des femmes passionnés

- des œuvres et un discours scientifique

- des normes de sécurité et des contraintes techniques liées au batiment et aux oeuvres

- un espace qui a sa propre identité qu'il faut respecter et transformer à la fois

- un budget

et vous devez mélanger tous ces ingrédients pour concevoir une belle exposition qui ne doit jamais être la même que la précédente.

7. Quels mouvements artistiques ou artistes particuliers vous inspirent dans la conception de vos projets ?

Pour la conception de mes scénographies, je me sens proche d'artistes « mathématiques, géométriques» comme Sol Lewitt, inimalistes et conceptuels ou Tadao Ando … tout en gardant les proportions comme colonne vertébrale. J'aime les choses pures et simples. Je n'aime pas quand c'est chargé à l'excès et étouffant.

Portrait de Cécile Degos © Alix Marnat