Rencontre avec Match with Art

Le dos du monde de l’art

Rencontre avec Match with Art - illustration 1

Devant une œuvre de Claire Tabouret à la galerie Perrotin (©matchwithart)

Une balade à travers le feed Instagram de Matchwithart ne manquera pas de captiver les amateurs d'arts visuels. Regroupant des tenues coordonnées avec des œuvres d'art, pour le plus grand plaisir des yeux de 13 000 followers, ce compte est une véritable ode à la passion pour l'art et la mode de sa fondatrice. L'objectif ? Rendre l'art accessible à ceux qui n'y seraient peut-être pas sensibles autrement. Nous avons pu poser quelques questions à la fondatrice de Matchwithart pour en savoir plus sur son processus créatif, sa passion pour les arts visuels et ses inspirations artistiques.

1. Bonjour Matchwithart ! Depuis presque 3 ans, tu fais rimer tes passions pour l'art et la mode sur ton compte Instagram. Comment t'es venu ce concept de faire « matcher » une œuvre d'art avec une tenue ?

L'idée de Matchwithart est née au cours d'une visite en galerie il y a trois ans, je portais une robe dans les mêmes tons que la toile et j'ai remarqué que cela attirait le regard et amusait les visiteurs et le galeriste. J'avais déjà travaillé auparavant sur les moyens à développer pour démystifier le monde de l'art, le rendre plus accessible intellectuellement et faire venir d'autres publics. J'y ai même consacré mon mémoire de fin d'études, mais je n'avais jamais mis en pratique un concept qui pourrait participer à cela. Ayant une double formation en art et en marketing de luxe, la mode fait partie de mes intérêts. J'ai toujours conservé un affect particulier envers ce milieu et le moyen d'expression que peuvent témoigner les vêtements. J'avais donc le moyen de réunir mes deux milieux, l'art et la mode, et de monter un concept. 

2. Comment procèdes-tu pour réaliser chacune de tes photos ? Et pour sélectionner les œuvres d'art sur lesquelles tu vas travailler ?

Je choisis les œuvres d'après les nouvelles ouvertures d'expositions annoncées, que ce soit dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Je fais un tri parmi ce qui est faisable en termes d'œuvres et de délais. Je me rends ensuite sur place pour repérer l'œuvre que je pense faire, m'assurer de son accessibilité, que rien ne gêne le champ de la photographie et des couleurs en réel. Je cherche ensuite les vêtements les plus adéquats à l'œuvre, au travers des couleurs ou du motif. 

Chaque image demande plusieurs étapes. En premier, le choix de l'exposition, en galeries, en musées, en maisons de vente, en foires ou en fondations. Puis le choix de l'œuvre dans l'exposition et la recherche ensuite du vêtement, soit en magasin, soit en ligne. Puis la réalisation de la photographie. Et finalement la rédaction de la légende : le court texte que j'écris me prend beaucoup de temps. Je lis souvent une vingtaine d'articles, d'interviews papier et en ligne, je vais écouter des interviews vidéo, afin de recueillir des informations pertinentes et importantes. Je dis parfois ce que je ressens, ce que cela me rappelle, mais c'est assez rare. Je ne veux pas prendre le risque d'imposer ma façon de penser, ni d'influencer celle des autres. Chacun peut ressentir ce qu'il veut devant une œuvre, et je ne veux pas entraver son développement personnel. 

Je choisis volontiers des œuvres plutôt contemporaines, c'est une démarche volontaire de ma part car c'est vraiment là où le public non initié à l'art se « perd ». Il n'est pas nécessaire de convaincre les gens que les nymphéas de Monet sont beaux mais pour la majorité des personnes, l'art contemporain s'est arrêté à l'art conceptuel. Je conçois que les gens n'ont pas envie de tout intellectualiser mais désirent aussi se poser devant une œuvre et se dire qu'elle est belle. Des artistes du 21ème siècle tels que Claire Tabouret, Adrian Ghenie, Ali Banisadr ou encore Hernan Bas n'ont rien à envier en termes de techniques par rapport aux artistes modernes. Les gens attachés à l'art figuratif et à la réalité représentée par la peinture peuvent aussi trouver leur bonheur en 2021. 

Rencontre avec Match with Art - illustration 1
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Devant une œuvre de Damien Hirst à la fondation Cartier (©matchwithart) / devant une œuvre de Jan Kaláb à la galerie Danysz (©matchwithart)

3. Quel contenu a été le plus grand défi pour toi ? As-tu une anecdote drôle à nous partager ?

Les contenus les plus compliqués à réaliser ont finalement été les photographies durant le confinement, quand je tentais de reproduire des scènes de peinture. Il fallait trouver des œuvres où on ne verra pas ou peu mon visage, puis reproduire les mises en scène avec les moyens du bord vu que tout était fermé. Cela demandait de l'ingéniosité, mais c'était l'unique manière de continuer à faire vivre mon compte durant quelques mois. 

Finalement chaque photo reste un défi. Défi d'oser, défi de ne pas sentir mal à l'aise quand il s'agit de faire la photographie. Comme je ne désire pas gêner le cheminement artistique du public, je peux attendre des heures dans un coin d'avoir une petite fenêtre de tir pour faire une photographie. Quand il s'agit d'une photo statique, je veux dire une pose simple, la photo reste facile à faire mais dès que je désire un peu de mouvement de robe ou de jupe, je dois dire à mon côté introverti de se taire. J'ai beaucoup de mal avec la critique donc chaque photo est un défi. 

Et oui j'ai des anecdotes amusantes ! Je me souviens d'une fois à la FIAC, je voulais réaliser une photo avec un tableau représentant une femme blonde, avec des lunettes de soleil, du rouge à lèvres rouge éclatant et une robe jaune. Je me suis baladée dans cette tenue dans la foire dans la nef du grand palais à 10 heures du matin, en mode « j'assume ma cuite de la veille », pour finalement apprendre que l'œuvre avait été vendue et que l'acheteur était directement parti avec… Je me suis retrouvée, sans ma dignité au milieu de la foire et sans photo !

Une seconde fois dans un musée, j'avais prévu une tenue et un bouquet de fleurs pour correspondre à l'une des œuvres de l'exposition. Après avoir tourné durant une heure, j'ai osé demander au curateur où était l'œuvre en question et on m'a informé que due à la prolongation de l'exposition, la SEULE œuvre à avoir été récupérée par son propriétaire était celle que j'avais choisie… 

Sans oublier la joie de tomber sur le groupe d'enfants, occupés à dessiner le tableau par terre que je voulais matcher, et moi à côté en robe de soirée et manteau de fourrure. 

4. Quelle œuvre d'art rêverais-tu de pouvoir matcher ?

Cette question tombe à point nommé car je rêvais de faire un match avec une œuvre de Claire Tabouret, ce qui est chose faite depuis une semaine, j'ai donc dû revoir mes « matchs goals » . Je reviens finalement sur du très classique mais surtout sur un artiste qui m'a fait aimer en premier l'art abstrait. J'ai un affect particulier avec l'art figuratif et je suis généralement moins sensible à l'art abstrait. Pourtant, l'œuvre que je rêverais d'avoir est One: Number 31, 1950 de Jackson Pollock qui se trouve au MOMA. Je souhaiterais aussi réaliser un match avec une œuvre de David Hockney, Keith Haring, Frida Kahlo, Edward Hopper... Finalement encore beaucoup de matchs désirés, mais généralement sur des peintres très connus. Dans l'art contemporain, je dirais qu'une installation d'Alicja Kwade serait un véritable défi. Je suis également retombée sur des œuvres de Katharina Grosse à la FIAC et faire un match devant une de ces installations monumentales m'apparaît être un joli objectif également. 

5. Sur ton compte Instagram, tu prends beaucoup de soin à écrire le texte accompagnant chacune de tes créations, qui est à la fois précis et pédagogique. Comment l'art contemporain peut-il être rendu plus accessible selon toi ?

Je pense justement en arrêtant d'essayer de l'expliquer ou de l'intellectualiser plus qu'il ne faut. Les explications des expositions, les cartels emploient trop de mots inaccessibles même aux plus érudits d'entre nous et on décroche vite. Je pense qu'une phrase explicative de l'artiste, quelques questions sur sa démarche suffiraient sans avoir besoin de partir dans des analyses qui ne parlent pas au public. Je pense également que les gens sont davantage friands d'anecdotes, de détails sur les techniques des œuvres, le processus de réalisation, la genèse d'un projet que sur l'explication philosophique qui accompagne souvent les expositions d'art contemporain. Il faut casser cette barrière entre le public et l'art, montrer que l'art c'est avant tout une personne qui crée pour autrui. Même si la démarche est au départ un besoin personnel de s'exprimer de l'artiste, à la fin on obtient une œuvre destinée à être montrée et achetée, à quitter son propriétaire initial et à vivre. C'est formidable comme processus, et cela est davantage possible avec l'art contemporain. Une personne va « offrir » sa pensée en œuvre, à une autre personne, qui elle-même va développer un autre affect avec cette œuvre et la réinterpréter selon son vécu. L'œuvre va trouver plusieurs significations selon son propriétaire.

Rencontre avec Match with Art - illustration 1
Rencontre avec Match with Art - illustration 1

Devant une œuvre de Jean-Baptiste Bernadet au Grand Palais Éphémère (©matchwithart) / devant une œuvre de Micha Laury à la Fondation Carmignac (©matchwithart)

6. D'où te vient ta passion pour l'art ? D'ailleurs, es-tu toi-même une collectionneuse d'art ? Si oui, quelles œuvres peut-on retrouver chez toi ?

Ma passion pour l'art est née à force d'être entraînée dans les musées ! Cela a commencé de cette façon, avec des parents très axés sur l'art et dont les voyages résidaient dans le fait de faire le plus de musées possibles. Si désormais je suis ravie de faire des marathons d'expositions, à l'époque c'était bien moins amusant. Mais je pense que ça m'a plongée très tôt dans ce milieu sans m'en rendre compte. Notre maison est remplie d'art et j'ai commencé à désirer des œuvres relativement tôt aussi. Durant mes études, je me suis ensuite tournée vers ce milieu dès la fin de mon master à 23 ans et je travaille depuis lors dans le monde de l'art. J'ai un goût particulier pour l'art, c'est vraiment une relation forte, rien ne me transporte de cette façon. C'est vraiment le circuit de la sympathie qui s'anime quand je rentre dans une foire, ou un musée ou une exposition, j'ai l'impression de retrouver une sérénité. 

Je collectionne, mais surtout j'amasse ! Cela passe par des souvenirs de voyages et des œuvres achetées dans des galeries inconnues au Montana. J'ai une relique de Daniel Arsham qui trône sur mon meuble TV, des œuvres de Vik Muniz au mur qui côtoient des masques africains ramenés de voyages et des jeux d'échecs en marbre achetés chez des artisans en Grèce. Je suis aussi très attachée aux œuvres des artistes que défend mon mentor Pierre-François Garcier, dont les tableaux de Jean Coulot et Luis Arnal habillent mes murs.

7. Quel est ton lieu culturel (musée, galerie, fondation...) préféré au monde et pourquoi ?

Actuellement je dirais avoir été subjuguée par la fondation Carmignac, pour l'impression d'entrer dans un autre univers, dans un monde à part où le calme vous accompagne durant votre cheminement artistique. L'île de Porquerolles participe bien évidemment à cette ambiance, toute la pinède environnante et le parc de sculptures vous plongent dans un domaine qu'on ne peut retrouver dans une grande ville comme Paris. L'an dernier c'était la fondation Maeght qui me fascinait. Je pense que je suis attachée à ce qui va entourer un lieu culturel, à cette impression d'être hors du temps et du monde. Le rêve ultime serait d'aller au James Turell Museum à Colomé. 

Je dirais que pour profiter pleinement d'un lieu culturel, je savoure aussi le trajet pour y arriver, pour me mettre dans de bonnes conditions, il faut que j'ai la tête vide, les idées reposées. Les expositions à Paris sont, elles, rarement reposantes ! 

8. Enfin, en tant que passionnée de mode, quel artiste a selon toi un sens incomparable du style ?

Je ne dirais pas incomparable mais les artistes comme Daniel Arsham ou JR me plaisent dans cette récurrence du même style. Ils sont reconnaissables entre mille, si bien que l'on pourrait dire « pour Halloween, je me déguise en JR ou en Arsham », et je trouve cela absolument génial. 

J'adore aussi le style de Frida Kahlo, finalement très en adéquation avec sa culture et ses origines, mais qu'elle a poussé à l'excentrisme avec des couleurs marquées, des bijoux imposants alors qu'on savait en plus la souffrance physique de cette femme. Pour autant elle prenait toujours la peine de se vêtir avec des tas de couches de vêtements qui ne devait pas faciliter sa condition mais c'était sa façon d'être. C'était aussi un moyen de camoufler son corps meurtri sous toutes ses épaisseurs. Toutes ses superpositions lui permettaient d'équilibrer sa démarche bancale et de détourner le regard de ceux qui oseraient se moquer. On regardait finalement l'allure qu'elle avait et pas l'allure à laquelle elle allait. Mon instagram en témoigne, j'ai un fort penchant pour la couleur alors je ne peux qu'aimer et apprécier cette prise de position de la part de cette femme artiste en terme de mode.

Et sinon j'affectionne particulièrement David Hockney. Lui-même disait « Appropriez-vous un style comme bon vous semble. À l'image d'une pie voleuse, piquez ce qu'il vous plaît, de sorte que votre style ne soit jamais rigide... c'est le piège ». Toujours une cravate, ou un nœud papillon, des bretelles, un look classe à l'anglaise mais inimitable, les lunettes rondes. Un style aussi coloré et travaillé que son univers. Une audace dans les couleurs pastels, criardes, façon bonbons acidulés. 

C'est le genre de style assumé qui me fait sourire !


Sélection d'œuvres d'art

Photographie, Romy et Delon 1, Bert Stern

Romy et Delon 1

Bert Stern

Photographie - 31 x 45 cm Photographie - 12.2 x 17.7 inch

Vendue

Photographie, Metachrome (Homage to the Square: Glow, after Joseph Albers), Vik Muniz

Metachrome (Homage to the Square: Glow, after Joseph Albers)

Vik Muniz

Photographie - 102.4 x 101.6 cm Photographie - 40.3 x 40 inch

Vendue

Peinture, Untitled (Trails), Jean-Baptiste Bernadet

Untitled (Trails)

Jean-Baptiste Bernadet

Peinture - 100 x 120 x 3.5 cm Peinture - 39.4 x 47.2 x 1.4 inch

16 872 $US

Édition, Blowing Headache, Barthélémy Toguo

Blowing Headache

Barthélémy Toguo

Édition - 70 x 85 cm Édition - 27.6 x 33.5 inch

999 $US

Sculpture, Friend Connection III, David Moreno

Friend Connection III

David Moreno

Sculpture - 56 x 46 x 17 cm Sculpture - 22 x 18.1 x 6.7 inch

3 441 $US

Peinture, Letters 1, Karishma D'Souza

Letters 1

Karishma D'Souza

Peinture - 28 x 30.5 cm Peinture - 11 x 12 inch

3 552 $US

Peinture, Nouvelle-Zélande / Pays basque, Olivier Masmonteil

Nouvelle-Zélande / Pays basque

Olivier Masmonteil

Peinture - 65 x 80 x 5 cm Peinture - 25.6 x 31.5 x 2 inch

9 657 $US

Peinture, Matrice 42, Valentina Canseco

Matrice 42

Valentina Canseco

Peinture - 40 x 30 x 4 cm Peinture - 15.7 x 11.8 x 1.6 inch

Vendue

Dessin, Sans-titre, Alekos Fassianos

Sans-titre

Alekos Fassianos

Dessin - 31.8 x 21.8 cm Dessin - 12.5 x 8.6 inch

Vendue

Sculpture, The Looping One, Pablo Reinoso

The Looping One

Pablo Reinoso

Sculpture - 45 x 285 x 74 cm Sculpture - 17.7 x 112.2 x 29.1 inch

99 897 $US

Peinture, Contemplation II, Dinh Hanh

Contemplation II

Dinh Hanh

Peinture - 61 x 61 x 5.1 cm Peinture - 24 x 24 x 2 inch

Vendue

Édition, Double Face, Jean Cocteau

Double Face

Jean Cocteau

Édition - 55.9 x 76.2 cm Édition - 22 x 30 inch

2 900 $US

Photographie, JR, Hassan Hajjaj

JR

Hassan Hajjaj

Photographie - 112 x 76 x 1 cm Photographie - 44.1 x 29.9 x 0.4 inch

19 979 $US

Peinture, Wakirlpirri Jukurrpa (Dogwood Tree Dreaming), Liddy Walker Napanangka

Wakirlpirri Jukurrpa (Dogwood Tree Dreaming)

Liddy Walker Napanangka

Peinture - 61 x 46 cm Peinture - 24 x 18.1 inch

Vendue

Édition, To Hell With Zoos, David Shrigley

To Hell With Zoos

David Shrigley

Édition - 76 x 55 cm Édition - 29.9 x 21.7 inch

Vendue