L'artiste multidisciplinaire Rami Mekdachi

Rami Mekdachi est un homme doté de multiples talents. Le fondateur de la marque Lola James Harper a plusieurs cordes à son arc. Né à Beyrouth au Liban puis élevé à Paris, son art est imprégné de son amour pour les voyages et la musique. Rami Mekdachi s'est lancé dans la réalisation de films, la direction artistique et plus récemment dans la création de parfums... Rencontrez cet artiste à l'énergie débordante avec Artsper ! 

1. Bonjour Rami ! À en voir ton parcours, l'art occupe une place considérable dans ta vie : tu es réalisateur, photographe, directeur artistique, écrivain, musicien et plus récemment entrepreneur avec Lola James Harper, ta marque dédiée au lifestyle... Peux-tu nous parler de la manière dont tous ces univers se rejoignent ?

Hello et merci pour ce moment d'échange. C'est vrai que la photographie, la vidéo, la musique, le parfum ou l'écriture sont des outils précieux pour partager mon émerveillement quotidien face à ce monde chargé de scènes incroyables, de personnages touchants, de sons inspirants, de philosophies et de parfums bouleversants. Je dirai que la photographie fixe l'instant, le parfum fixe l'émotion, la musique fixe l'énergie et les mots fixent l'histoire...

2. Tes fragrances ont une histoire et incarnent différentes cultures... Fabriquer des odeurs, c'est une façon de partager ton besoin d'évasion ?

Le parfum est un révélateur du passé. Comme la musique, ils sont tous les deux invisibles et impalpables, ce qui leur confère une dimension spirituelle et émotionnelle unique.On ne peut ni voir, ni toucher une odeur ou un son... Pour les appréhender, on les lie à des émotions ou des souvenirs, à notre histoire personnelle, à notre passé et même parfois à nos rêves éveillés... Dans ces deux domaines je compose des notes pour créer des accords, puis j'utilise l'imaginaire collectif, les mythes, et les archétypes pour naviguer dans la création.

À travers mes parfums, j'ai voulu partager mes souvenirs de lieux inspirants et touchants tout en laissant un mystère planer sur ces lieux. L'idée est de laisser la place au rêve, de stimuler l'imaginaire grâce au parfum et aux noms mystérieux inscrits sur l'étiquette pour offrir à chacun la possibilité de rêver ces lieux que j'ai croisés en voyageant autour du monde avec ma famille. C'est pourquoi, dans mes photographies aussi, il n'y a ni personnage, ni vêtement, ni mode ou voitures récentes, afin de brouiller les pistes et laisser à chacun imaginer ou rêver le lieu et la décennie, et se raconter ainsi sa propre histoire...

Photographies de Rami Mekdachi—À gauche : Blue Palm, 2003, À droite : Pool Mood Yellow, 2013 disponible sur Artsper

3. Peux-tu nous partager ta dernière découverte artistique ?

Ma fille est une jeune danseuse en cursus de danse contemporaine et je découvre avec elle les synergies entre le mouvement et le son, entre le rythme et l'espace. Les interviews de Trisha Brown ou de Merce Cunningham sont un vrai trésor d'inspiration et ouvrent la façon de mélanger la musique, le mouvement et l'espace. Je suis ainsi en train de faire évoluer mes angles de prise de vues et ma façon d'envisager les montages de mes prochains films...

4. Quel a été ton projet favori depuis la création de Lola James Harper ?

Mon projet favori, c'est Lola James Harper et toutes les rencontres que j'ai eu la chance de faire depuis 10 ans grâce à ce projet.

Paysages d'été américains évoqués à travers la photographie de Rami Mekdachi—À gauche : Red Palm, 2006, À droite : Burning Sun, 2013 disponible sur Artsper

5. Ta marque est dédiée au lifestyle, un terme valise qui chez toi regroupe art, parfum, amitié et autres bonheurs simples de la vie. Tu crois beaucoup en l'énergie des lieux et des gens. Au quotidien, où puises-tu ton énergie ?

Absolument, je crois beaucoup en l'énergie des lieux et des gens ! Au quotidien je puise mon énergie en partageant de jolis moments avec ma fille, mon fils et ma femme, en passant tous mes coups de fil en marchant dans la ville, en dégustant un café allongé, en passant régulièrement chez un disquaire pour découvrir de nouveaux artistes et palabrer avec le vendeur, en jouant au basketball avec mon fils sur un de nos terrains de street basketball favori, en allant au Studio Lola James Harper, aux Batignolles, en partageant un moment avec un ami, un artiste, ma fille ou mon fils, un membre de notre team ou un partenaire pour jouer de la musique dans notre studio de musique au sous-sol, ou regarder dans notre salle TV un montage récent de l'un de nos films, en déroulant les collections de photographies liées à ce montage ou simplement en partageant un thé en discutant de tout et de rien...

Vivre, c'est inspirer et expirer, et si on ne trouve pas l'inspiration régulièrement, on risque d'expirer, non ? 

6. Tu es né à Beyrouth mais tu as passé ta jeunesse à Paris et tu voyages régulièrement aux États-Unis. Comment penses-tu que ces différents environnements ont influencé ton approche esthétique ?

Voyager et vivre les ailleurs c'est ouvrir son champ de compréhension et d'expression, c'est réaliser que chaque lieu et chaque instant a son propre rythme et ses valeurs intrinsèques, et que la seule option est de vivre avec toutes ces magnifiques réalités qui arrivent à coexister...

7. Enfin, quel conseil donnerais-tu à un.e jeune artiste qui déborde d'imagination et d'énergie et qui voudrait se lancer ?

Je commencerais par souligner le fait que la satisfaction est un moteur essentiel pour continuer à rêver et créer. La satisfaction est la distance entre un but que l'on se fixe et le résultat atteint... Il faut savoir se fixer des tonnes de mini-objectifs pour trouver la satisfaction tout au long de ce très long chemin créatif et artistique. Il n'y a pas de ligne d'arrivée, il n'y a qu'une infinité d'étapes... Il faut savoir profiter de chacune des étapes et les célébrer, arrêter de penser « c'est bien, mais il reste ça à faire » parce qu'il restera toujours « ça à faire ». Il faut célébrer les étapes et s'en satisfaire pour avoir assez d'énergie pour profiter de la prochaine et passer les caps créatifs...

Ah oui et il faut aussi trouver un alter ego créatif, un ami avec qui partager ses avancées, et ses recherches, avec qui les célébrer et se remplir de satisfaction. Il faut trouver un allié créatif avec qui se réjouir et s'inspirer l'un l'autre... Je ne parle pas d'association ou de lien juridique, je parle d'un ami bienveillant avec qui l'on peut partager ses réalisations et ses questionnements. Il faut savoir s'écouter et écouter les autres, avancer et éprouver une vraie joie de partager son travail sans mettre trop de pression sur chaque étape. En bref, vivre, rêver et partager...