Series: The skin of Mars - Skin 1, 2016
Antonio Briceño

Le corps et l'âme de Mars

Les Grecs, qui lisent si attentivement l'âme humaine, avaient un dieu terrible : Arès, qui régnait sur la guerre et les batailles. Il personnifiait la violence sous son aspect le plus brutal, incontrôlé et tumultueux. Il était sauvage et sanguinaire, ce qui lui valut l'antipathie des humains et l'aversion des autres dieux olympiques.

Les Romains l'identifiaient à Mars, un dieu qu'ils avaient hérité des Étrusques, qui régnaient non seulement sur la guerre, mais aussi sur l'agriculture et la fertilité de la terre. Pour cette raison, et parce qu'ils le considéraient comme le père de Romulus, l'un des fondateurs de Rome, il jouissait d'une grande estime parmi le peuple.

Mars était l'amant de Vénus, avec qui il a eu plusieurs enfants. Cette relation secrète et ardente qu'il entretenait avec la déesse de l'amour nous montre un autre visage du dieu guerrier : un visage passionné et intensément corporel. Cette facette l'associe à la virilité et à la masculinité ; au courage, à l'audace et à l'impulsivité ; et, pour certains, à la corporalité active et sensuelle de la danse et des rapports sexuels.

Mars était traditionnellement représentée comme un jeune guerrier, grand, bien construit et vigoureux. Sa bravoure et son allure séduisirent la belle Vénus, la forçant à trahir son mari, Héphaïstos. Ainsi, la violence de ce dieu meurtrier est difficilement dissociable de son corps, champ même dans lequel cette énergie irrationnelle prospère, à la fois destructrice et fertile.

Ce n'est pas sans surprise que l'on apprend que la planète qui porte son nom est aussi fortement enracinée dans un sol physique et solide. En fait, Mars est l'une des quatre planètes telluriques - de nature rocheuse - du système solaire, à la différence des autres : les géants gaziers. Sa proximité et son étroite parenté avec notre planète renforcent le sentiment d'émerveillement produit par son paysage poussiéreux et solitaire, et sa géographie accidentée, qui est le résultat de cataclysmes massifs sans équivalent sur Terre.

Antonio Briceño a créé cette série à partir d'images de la surface de Mars prises lors des missions les plus récentes de la NASA. L'artiste a superposé ces traces de la géologie martienne catastrophique sur des images de sculptures classiques du dieu Mars provenant des sites Web de six grands musées d'art. Les riches tissus texturaux et les jeux de couleurs de ces images satellites de la planète rouge sont transférés, comme des peaux marquées, sur le beau corps du jeune guerrier sculpté.

D'une part, à travers ces images, nous percevons que la violence archétypique de Mars est une question de corps. C'est, d'une certaine manière, une violence primaire et immédiate, et donc terrifiante. Elle provoque la terreur de la barbarie et la peur de ce qui n'est pas civilisé, un peu comme cette étrange et proche planète, mue par des forces inconscientes et telluriques qui échappent à tout contrôle rationnel. D'autre part, la référence directe au corps rend ces images profondément troublantes, comme si, à travers elles, nous réalisions que le corps est un champ dans lequel se livrent des batailles émotionnelles, et où l'âme traite de la maladie, de la douleur, du plaisir, du vieillissement et de la mort.

L'ensemble de l'œuvre de Briceño a un sens élevé de l'éthique. Sa série précédente a mis à jour une poétique qui tourne autour de la planète, des êtres qui l'habitent, de la nature et de la diversité culturelle et spirituelle de l'humanité. L'artiste réfléchit constamment sur les différentes façons dont la richesse de la vie sur notre planète se manifeste et sur le fragile équilibre dont dépend sa préservation.

Bien que l'archétype de Mars qui vit dans l'inconscient individuel et collectif garde la violence et tout ce qu'elle implique, et l'accueille comme profondément ancrée dans la nature humaine, il peut déchaîner sa rage irrationnelle et incontrôlable devant notre déni et notre manque de modération. La complexité de l'archétype de Mars réside dans l'équilibre subtil entre le corps qui s'annihile et celui qui féconde, tous deux issus de la même énergie virile et active. On peut se demander si dans notre monde accommodé, si hautement technicisé, dans lequel nous nous considérons généralement comme des êtres civilisés, pacifiques et bienveillants, un déséquilibre déshumanisant - peut-être une déconnexion entre le corps et l'émotion - a eu lieu, entraînant une violence irrépressible qui, signe caractéristique de notre temps, semble mettre en péril notre propre survie sur Terre.

La Peau de Mars s'inscrit dans la continuité de ces réflexions que l'artiste concentre maintenant sur la violence et la dévastation comme symptômes d'un déséquilibre de la psyché du monde, qui pourrait nous conduire à l'auto-annihilation, et dont la formulation dans cette exposition atteint une dimension qui implique l'idée archétype et questionne le rôle du psychisme collectif comme vrai activateur de l'histoire.

Katherine Chacón