Exposition de Rosemarie Castoro, 2019, photographié par Annik Wetter.

Depuis son ouverture en 1994, le MAMCO à Genève (Musée d'art moderne et contemporain) a développé une muséographie originale. Installé dans une ancienne usine, le MAMCO présente principalement de l'art produit depuis les années 1960 et fonde son activité sur une conception du musée comme « exposition globale », qui combine expositions temporaires et présentations renouvelées des collections permanentes dans la continuité d'une visite. Nous nous sommes entretenus avec le directeur Lionel Bovier sur son parcours professionnel, et sur les caractéristiques du plus grand musée d'art contemporain de Suisse.  

1. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours professionnel et sur la manière dont vous êtes arrivé à votre poste actuel ?

Pendant mes études, j'ai travaillé comme critique d'art et journaliste. J'ai ensuite commencé à organiser des expositions, d'abord en tant que conservateur indépendant, puis en tant que conservateur associé au Magasin de Grenoble. Parallèlement, je m'intéressais à l'éducation et j'ai commencé à enseigner dans des cours de conservation ainsi qu'à l'ECAL, l'école d'art et de design de Lausanne. Tout cela s'est passé entre 1988 et 2002. En 2004, j'ai cofondé avec un partenaire zurichois la maison d'édition JRP|Ringier (aujourd'hui JRP|Editions) et l'ai dirigée pendant 12 ans. Dit comme cela, il semble y avoir une vague logique, mais elle m'a complètement échappé pendant qu'elle se déroulait : je ne faisais que suivre un désir d'apprendre sans cesse de nouvelles choses et de nouveaux métiers, tout en restant en discussion active avec des artistes et des collègues...

2. Le MAMCO, ouvert en 1994, est situé dans une ancienne usine. Qu'est-ce qui le rend si spécial ?

Eh bien, il y a plusieurs choses qui en font un musée différent. Tout d'abord, il s'agit d'un musée centré sur les artistes et l'art : toutes nos ressources sont consacrées à la production de contenus. Deuxièmement, c'est un musée avec un système d'expositions tournantes qui englobe la collection elle-même - par conséquent, il n'y a pas deux visites au musée qui se ressemblent. Troisièmement, il remet constamment en question le discours du musée lui-même, avec des systèmes d'exposition variés, des régimes d'exposition et des accrochages contrastés. Enfin, il propose, depuis 2016, une approche syntaxique, où plusieurs expositions se combinent simultanément et deviennent idéalement plus que la somme de leurs parties. Elle s'appuie aussi toujours sur la conviction que les musées s'apparentent plus à des universités qu'à des parcs d'attractions...  

À gauche : Exposition de Rosemarie Castoro, 2019. / À droite : Exposition de Laura Grisi, 2022, photographié par Annik Wetter.

3. Y a-t-il un moment fort de votre travail au MAMCO que vous aimeriez partager avec nous ?

Les moments forts pour moi sont doubles : pouvoir programmer chaque séquence en toute liberté, et concevoir, organiser et accrocher moi-même les expositions ! Pour un directeur de musée, ce n'est pas rien. 

4. Quels sont les critères de sélection et de commissariat de vos artistes au MAMCO ?

Des critères basés sur la recherche et l'histoire de l'art principalement. Nous ne suivons pas vraiment les tendances, qu'elles soient liées au public ou au marché. Nous préférons présenter des artistes et des expositions que vous ne verrez nulle part ailleurs, plutôt que d'essayer de surfer sur les vagues de l'époque... 

Exposition de William Leavitt, 2018, photographié par Annik Wetter.

5. En tant que responsable d'une collection publique (comprenant Martin Kippenberger, Christo et Robert Filliou) et d'expositions temporaires changeantes, vous êtes entouré d'art au quotidien. Avez-vous une collection privée, et quels sont les artistes qui ont une place particulière chez vous ?

Je ne possède pas de collection privée : elle n'est pas organisée ni pensée de cette manière. J'ai des œuvres d'artistes que j'ai rencontrés, avec lesquels j'ai collaboré et que j'ai apprécié, tant pour leurs œuvres que pour leur personnalité. Les peintures, dessins ou sculptures accrochés à la maison sont donc autant des souvenirs de nos relations que des œuvres d'art - du moins pour moi.  

6. Où pourrions-nous vous trouver en dehors du MAMCO ? Y a-t-il des lieux artistiques qui vous inspirent ?

J'essaie de suivre les programmes des musées et des Kunsthallen autour de moi. Le fait d'être situé en Suisse est une chance, car Paris ou Milan sont aussi proches que Zürich ou Bâle. Depuis que je travaille au MAMCO, je passe de plus en plus de temps dans les collections des musées - c'est là que les transformations les plus importantes se sont produites au cours des 20 dernières années et c'est passionnant d'en être témoin.