Portrait de Pia Lepoutre portant l'une de ses pièces créée en collaboration avec la marque Ganni

Pia Lepoutre a créé la marque de vêtements upcyclés Del Carmen en 2018. Vivant à Paris, la jeune designer s'efforce de promouvoir une mode éthique et responsable à travers ses créations, qu'elle considère comme des œuvres d'art. Pia Lepoutre mêle tradition et modernité avec virtuosité. Elle a recours au Sashiko, une technique de broderie ancestrale japonaise, et à la méthode originale du patchwork décoratif dans la conception de ses pièces uniques. Après cet entretien, vous serez convaincu.e : rien ne se perd, tout se transforme !

1. Bonjour Pia ! Tu es entrepreneure et tu as fondé Del Carmen, ta marque de vêtements, en 2018. Comment t'es venue cette idée ? Et quelles sont les femmes designers qui t'inspirent au quotidien ? 

J'ai toujours voulu créer ma propre marque de vêtements afin de m'exprimer pleinement à travers mes créations. C'est très cliché, mais au collège je dessinais déjà du prêt-à-porter ! Je ne suis pas inspirée par des femmes designers en particulier, mais par des couleurs, des matières, des peintures… En bref, par tout ce qui m'entoure de manière générale.

2. À travers ta marque, tu mets en avant une consommation en conscience, éthique et responsable. Quel est ton point de vue sur l'industrie textile actuelle et son impact sur l'environnement ? 

Il y a tellement de choses à dire sur ce sujet… Je suis effarée par l'impact écologique, mais aussi et surtout humain. On a tendance à oublier ce qu'on peut appeler l'esclavage moderne, mais il est bel et bien présent derrière ces grands noms de la fast fashion. C'est la raison pour laquelle je me sens actrice du changement, à petite échelle certes, mais je pense qu'il est nécessaire d'avoir une mission lorsque nos convictions sont bien ancrées. Ma mission aujourd'hui c'est d'essayer de faire bouger les choses dans cette industrie. Rendre sexy les déchets en créant des pièces uniques et intemporelles, montrer qu'on a juste à réutiliser du vieux pour faire du neuf, que rien ne se perd, tout se transforme.

À gauche : gros plan sur un tissu alliant Sashiko et patchwork. À droite : portrait de Pia Lepoutre dans son studio.

3. Les pièces en denim que tu crées sont le fruit de l'incroyable mariage du patchwork et du Sashiko, une technique de broderie ancestrale japonaise. Pourquoi avoir choisi cette alliance originale ? Selon toi, comprendre le passé est-il important pour innover ?

Le patchwork décoratif et artistique est très récent, mais initialement la naissance du patchwork est similaire à celle du Sashiko. L'un permettait de confectionner des vêtements peu onéreux grâce à des tissus de récupération, l'autre de rapiécer soi-même ses vêtements, à défaut de pouvoir les confier à un couturier. Ce sont donc deux techniques artisanales et populaires, devenues aujourd'hui de l'art moderne. Il est très important pour moi de comprendre le passé pour innover, pas uniquement dans le domaine de la mode ou de l'art, mais dans tous les domaines. En effet, connaître le passé permet de se réapproprier l'histoire en améliorant ou modifiant des actions, techniques, processus… Comprendre le passé c'est permettre son évolution.

4. Ta marque Del Carmen est fortement influencée par la culture urbaine, tout en prônant un savoir-faire ancien et artisanal... Et toi, si tu pouvais voyager dans le temps, quelle période de l'histoire de l'art choisirais-tu de découvrir ?

C'est une très bonne question ! Difficile d'y répondre, mais je pense que je plongerais au 18ème siècle, dans la période du classicisme et du baroque. J'aime beaucoup la peinture et je suis toujours impressionnée par les talents de cette époque. Je me transporterais ensuite jusqu'au 19ème siècle, pour rencontrer Van Gogh et Monet !

À gauche : André Derain, « Arlequin et Pierrot », 1924. À droite : plage au Salvador, le pays d'origine de Pia Lepoutre.

5. Tes créations sont des pièces uniques, à la manière des œuvres d'art. Pourquoi ce choix ? Peux-tu nous parler de la place que prend l'art dans ta vie ?

C'est justement parce je considère mes créations comme des œuvres d'art ! J'aime l'art sous toutes ses formes, je suis surtout très sensible aux couleurs. J'aime une peinture ou une photographie qui me transporte et me fait voyager. J'aime m'imaginer à la place de l'artiste : qu'a-t-il voulu transmettre ? Comment a-t-il pensé son œuvre ? Autant de questions que d'émotions, c'est pour ça que, pour moi, l'art est indispensable dans nos vies. Il nous permet de nous évader, nous faire rêver mais aussi et surtout, nous faire comprendre l'humanité et son histoire.

6. Tu as récemment collaboré avec Ganni, une marque de vêtements responsables très en vogue en ce moment. As-tu d'autres projets événements en cours de développement ?

Oui j'ai d'autres projets, j'aime être en perpétuel mouvement ! Avoir mes collections et collaborer sont deux choses différentes mais qui, aujourd'hui, participent à mon bon équilibre personnel, artistique et financier.

7. Enfin, quel est le lieu qui t'inspire le plus au monde ?

Je pense que le lieu qui m'inspire le plus au monde est le Salvador, mon pays d'origine. Aller là-bas me permet de me recharger, de me ressourcer, de me libérer… Cela me donne une telle force que mon esprit se libère de ses barrières créatives ou émotionnelles.