Un échange passionnant avec Ludivine Gaillard

Médiatrice culturelle, historienne de l'art et auteure féministe

Un échange passionnant avec Ludivine Gaillard - illustration 1

Un aperçu du livre de Ludivine, « Imparfaites » © Ludivine Gaillard

L'historienne de l'art Ludivine Gaillard déconstruit le prisme masculin, si tenace dans l'art, à travers son site et son compte Instagram « Mieux vaut art que jamais ». En mélangeant un ton accessible avec un regard féministe, elle nous offre une relecture des grands classiques, à la fois passionnante et nécessaire. Avec Artsper, rejoignez-notre échange avec Ludivine sur la création de « Mieux vaut art que jamais » et son nouveau livre d'histoire de l'art Imparfaites !

1. Bonjour Ludivine ! Peux-tu expliquer, en quelques mots, la mission de ton projet « Mieux vaut art que jamais » ?

« Mieux vaut art que jamais » est un site internet et un compte Instagram à travers lesquels j'apporte un éclairage féministe en couplant mes lectures sur « l'histoire des femmes » avec l'histoire de l'art occidental. Je suis partie du simple constat que l'art n'est que le reflet de l'époque où il a été produit. Ayant été jusqu'à récemment principalement produit par des hommes pour des hommes, il contient des biais sexistes et misogynes propres à chaque époque. C'est ce que je mets en lumière à travers mes analyses ! Les images ne sont jamais neutres, c'est pourquoi il est important de les interroger et de les (re)contextualiser.

2. Chez Artsper, notre objectif est de rendre l'art plus accessible à tous.tes. Aussi, nous adorons découvrir des initiatives plateformes comme la tienne, qui travaillent en ce sens. Comment t'est venue cette vocation de partager et démocratiser l'histoire de l'art ?

C'est après un stage à la rédaction d'Artips en 2015 où j'ai appris à rendre l'art accessible au plus grand nombre à l'écrit que j'ai eu un déclic. J'ai dans la foulée ouvert mon statut d'auto-entrepreneure en médiation culturelle et en parallèle, j'ai créé mon site « Mieux vaut art que jamais », puis son compte Instagram. L'application permet de rendre facilement accessibles des savoirs, de façon ludique et dynamique, mais aussi d'échanger directement avec les personnes qui me lisent.

Un échange passionnant avec Ludivine Gaillard - illustration 1
Un échange passionnant avec Ludivine Gaillard - illustration 1

De gauche à droite : « Timoclea » au Musée Capodimonte à Naples, un coin de l'appartement de Ludivine © Ludivine Gaillard

3. Tu traites de toutes les pratiques artistiques et de toutes les époques. Comment décides-tu des sujets que tu abordes ?

Cela dépend : au cours de mes lectures j'ai toujours un carnet et un stylo près de moi pour y noter des idées. Sinon, je parcours des livres sur la mythologie gréco-romaine pour trouver un prochain mythe à aborder. Le choix des œuvres vient en général dans un second temps, c'est le fruit de longues recherches sur internet quand je n'en ai pas qui me viennent spontanément à l'esprit. Aussi, j'ai un dossier « icono prochaines publications » dans lequel je glisse des reproductions d'œuvres trouvées au hasard de mes pérégrinations sur le net ; je le consulte régulièrement pour y piocher des idées !

4. Tu abordes tes sujets avec un angle féministe, que l'on retrouve de plus en plus dans les ressources contemporaines. Selon toi, y a-t-il encore beaucoup de chemin à faire dans la façon dont l'histoire de l'art est enseignée ?

Lors de mon cursus (licence et master 2) en histoire de l'art, on nous a à 95% parlé d'œuvres de la main d'artistes hommes. Et pas un mot au sujet de ces « beautés féminines », passives, idéalisées, objectifiées qui se répètent à l'infini, d'un siècle à un autre, jusque dans notre culture visuelle contemporaine ! Rien non plus au sujet des scènes de violences (viols, kidnappings, etc) perpétrées sur des personnages féminins et sublimées, mais aussi occultées par la qualité de l'exécution de l'œuvre. Une forme de banalisation de la violence, commise sur des femmes et encore malheureusement d'actualité.

J'ai eu l'occasion de discuter avec des étudiant.es et la majorité me rapportent que cela n'a pas changé. Des approches qui croisent histoire de l'art et études de genre se développent en France plutôt du côté de la recherche, notamment à l'INHA où des séminaires abordant ces thématiques sont organisés. Mais il reste encore du boulot pour que les institutions ( muséales, universitaires) rendent ces savoirs accessibles, la recherche manquant cruellement de budget.

5. Tu as du succès sur ton blog autant que sur ton compte Instagram. Penses-tu qu'Instagram est devenu un outil essentiel à la façon dont les jeunes publics s'instruisent ?

Oui ! On l'a constaté avec le confinement, les musées étant fermés, les gens ont ressenti le besoin de continuer à s'instruire et les réseaux sociaux ont été un formidable moyen pour cela. Moi-même en tant que médiatrice culturelle, mon activité était à l'arrêt. J'ai donc pu publier en moyenne tous les deux ou trois jours et mon nombre d'abonné.es a rapidement augmenté. J'avais de nombreux retours enthousiastes et cela a été le cas pour de nombreux.ses autres créateurs et créatrices de contenus ! Maintenant il y a une véritable communauté Instagram autour de l'art et de la culture. Les musées en ont pris conscience et font à présent appel à certain.es d'entre nous pour proposer de nouveaux types de médiation, sur les réseaux sociaux. Nous avons établi un lien de confiance avec nos communautés respectives qui sont sensibles à nos avis et analyses. Cela permet aux musées d'attirer de nouveaux publics et de promouvoir leurs collections et expositions temporaires d'une façon plus ludique et accessible.

Un échange passionnant avec Ludivine Gaillard - illustration 1
Un échange passionnant avec Ludivine Gaillard - illustration 1

De gauche à droite : La bibliothèque personnelle de Ludivine, la vue du jardin de la Maison Balzac, un lieu que Ludivine affectionne © Ludivine Gaillard

6. Parmi les nombreuses recherches que tu as dû faire pour tes contenus, pourrais-tu nous partager un coup de cœur que tu as eu sur une histoire, une anecdote, ou même une facette de l'histoire de l'art que tu as découverte ?

Il s'agit de l'œuvre de l'artiste italienne Elisabetta Sirani du 17ème siècle. Alors qu'elle produisait des tableaux qui s'inscrivent dans « la peinture d'histoire » - fait notable pour une femme puisque ce genre était traditionnellement réservé aux artistes hommes - elle a fait preuve d'une formidable capacité d'invention. Elle a proposé de nouvelles interprétations de sujets historiques et bibliques où ses personnages féminins font preuve de force, d'esprit d'initiative, d'agentivité, contrairement à ce à quoi l'art occidental nous a habitué.es.

Lors de la rédaction de mon livre Imparfaites - Représenter « la femme » dans l'art occidental : entre fantasmes et domination masculine, qui est sorti le 3 novembre chez First éditions, j'ai effectué de nombreuses recherches pour mon chapitre sur les enfants sexualisés dans l'art. J'ai découvert tout un pan de l'histoire de l'art peu reluisant et assez déprimant... notamment du côté du peintre Balthus qui non seulement peignait des petites filles et adolescentes, nues, érotisées, mais entretenait des relations sexuelles avec certaines de ces ados en ayant le double, parfois le triple de leur âge.

7. Collectionnes-tu de l'art à titre personnel ? Si oui, quel.les sont les artistes qui t'attirent ?

Je suis de près la création contemporaine du côté des illustratrices et illustrateurs. J'ai ainsi exposé chez moi - entre autres - des illustrations de Niall Grant et Maïté Granjouan. Je compte bientôt m'offrir des œuvres de Le Miroir Fou, une illustratrice qui s'inspire du style des gravures médiévales et de la Renaissance pour produire de superbes compositions très fouillées, parfois même drôles et féministes !


Sélection d'œuvres d'art

Photographie, Lyana au miroir, Julie Peiffer

Lyana au miroir

Julie Peiffer

Photographie - 50 x 50 cm Photographie - 19.7 x 19.7 inch

712 CHF

Édition, La Fille du Vent / The Girl of the Wind (Study for Boreas) - 1904, John William Waterhouse

La Fille du Vent / The Girl of the Wind (Study for Boreas) - 1904

John William Waterhouse

Édition - 81 x 62 cm Édition - 31.9 x 24.4 inch

905 CHF

Édition, Café, Léonard Foujita

Café

Léonard Foujita

Édition - 72.3 x 60 cm Édition - 28.5 x 23.6 inch

Vendue

Édition, Les amoureux / Lovers - 1909, Egon Schiele

Les amoureux / Lovers - 1909

Egon Schiele

Édition - 54 x 50 cm Édition - 21.3 x 19.7 inch

1 006 CHF

Édition, The Family, Alice Neel

The Family

Alice Neel

Édition - 79.4 x 68.6 cm Édition - 31.25 x 27 inch

10 910 CHF

Photographie, Rouge sur Blanc, Charlotte Abramow

Rouge sur Blanc

Charlotte Abramow

Photographie - 10 x 15 cm Photographie - 3.9 x 5.9 inch

610 CHF

Édition, Two Ladies at the Automat, NYC, Diane Arbus

Two Ladies at the Automat, NYC

Diane Arbus

Édition - 36.2 x 36.2 cm Édition - 14.3 x 14.3 inch

Vendue

Photographie, Highness Samsara, Delphine Diallo

Highness Samsara

Delphine Diallo

Photographie - 75 x 50 cm Photographie - 29.5 x 19.7 inch

5 185 CHF

Photographie, Yohana, Delphine Diallo

Yohana

Delphine Diallo

Photographie - 75 x 50 cm Photographie - 29.5 x 19.7 inch

5 185 CHF

Édition, L'envol / The flight, 1917 (Mutter mit kind / Mother and child), Egon Schiele

L'envol / The flight, 1917 (Mutter mit kind / Mother and child)

Egon Schiele

Édition - 50 x 68 cm Édition - 19.7 x 26.8 inch

793 CHF

Édition, Scottish, Sonia Delaunay

Scottish

Sonia Delaunay

Édition - 75.5 x 55.5 cm Édition - 29.7 x 21.9 inch

3 253 CHF