Lebbeus Woods

La perspective séduisante de penser l'architecture différemment pour Lebbeus Woods était plus qu'un simple cas de coïncidence, c'était plutôt la quête de sa vie. Il a été enchanté par les idées non conventionnelles basées sur l'examen de nouveaux horizons de la relation entre l'être humain et l'espace et sur son exportation à travers plusieurs médias différents de manière très imaginative. Même si presque aucun des projets de Woods n'a été réalisé, il a laissé derrière lui un important corpus d'écrits théoriques, de dessins, de peintures et de modèles. L'architecte était enclin aux visions et ferme sur ses points de vue, ce qui faisait peut-être de lui l'un des derniers représentants de l'architecture expérimentale.

Lebbeus Woods est né à Lansing, Michigan, en 1940. Son père était ingénieur militaire, alors Woods a suivi ses traces et a poursuivi ses études à la Purdue University School of Engineering (1958-60) et à la University of Illinois School of Architecture (1960-64). Woods était employé chez Eero Saarinen and Associates avec le célèbre architecte Kevin Roche. Woods s'est senti libre d'utiliser le mot architecte pour se décrire, même s'il n'a jamais obtenu de diplôme d'architecte ni été autorisé à pratiquer l'architecture. Au milieu des années 70, il décide de devenir uniquement chercheur et artiste indépendant se consacrant au travail conceptuel mis en scène à travers des dessins, des maquettes et des installations. Plus tard, en 1988, il est devenu l'un des fondateurs du projet d'une institution à but non lucratif consacrée à l'avancement de l'architecture expérimentale appelée The Research Institute for Experimental Architecture.

Dans l'histoire de l'architecture, de grands esprits enclins à leur imagination étaient présents de période en période, ce qui a ensuite conduit à certains des bâtiments les plus impressionnants. Néanmoins, peu d'entre eux allèrent plus loin et furent considérés comme excentriques au point même d'être écartés des courants sociaux officiels de leur époque. Semblable au cas de l'architecte italien Piranèse, qui se concentrait sur les images de donjons ou de grandes salles en décomposition, ou sur les croquis futuristes du français Etienne-Louis Boullee, Woods a élevé ses visions de la ville même si la notion commune d'architecture devrait être une pratique raisonnable et utile.

Afin d'analyser correctement l'œuvre étonnante de Lebbeus Woods, il est important de garder à l'esprit le contexte de l'époque. Entre les années 60 et 70, un nouveau courant d'approches architecturales expérimentales a émergé, incarné dans les studios tels que Superstudio et Archigram. Il ne s'agissait pas seulement de mesures concrètes, de statiques, de matériaux, mais plutôt de nouvelles solutions à la conjoncture de l'art et de la science. Il n'est donc pas étonnant que Woods ait imaginé des villes souterraines, des bâtiments flottants et un tombeau spatial éternel pour Albert Einstein, digne de l'intellect expansif du grand physicien. Avec des créations controversées, il essayait de se démarquer non seulement des règles de la société mais aussi de la nature.

La quasi-totalité de l'œuvre de Lebbeus Woods est consacrée à la conception de systèmes en crise. La nécessité même d'articuler l'état post-apocalyptique des sociétés peut être vue à la lumière de sa conscience des guerres en cours, des perturbations économiques et des catastrophes écologiques. Cette position politiquement chargée de visionnaire dans le cas de cet architecte radical était profondément inscrite dans un grand nombre de manuscrits d'une concision impeccable et de croquis alléchants qu'il a produits au fil des années. Lebbeus Woods a été maître de conférences à la Cooper Union de New York et à la European Graduate School de Saas-Fee, en Suisse, et a largement influencé des générations d'étudiants et d'autres universitaires par l'élargissement du discours scientifique. Des propositions pour l'architecture de San Francisco, de La Havane et de Sarajevo qui ont été incluses dans la publication de Radical Reconstruction en 1997.

Des modèles et des dessins de Lebbeus Woods sont inclus dans de nombreuses collections publiques comme au MOMA de New York, au Cooper-Hewitt National Design Museum et au Whitney Museum of American Art, pour n'en nommer que quelques-unes. Certains de ses croquis ont même été utilisés pour le film SF 12 Monkeys de Terry Gilliam en 1995, sans la confirmation de Woods. En 2012, le musée d'art moderne de San Francisco préparait une immense rétrospective de l'œuvre de Woods, lorsque l'architecte est décédé subitement au milieu du passage de l'ouragan Sandy sur New York. Incroyablement, sa mort a coïncidé avec les sujets qui le préoccupaient le plus. Au cours de ses dernières années, Woods a tenu un blog impressionnant qui représentait l'agenda exceptionnel et critique de cet architecte visionnaire jusqu'à la toute fin de sa vie.

Lebbeus Woods est décédé le 30 octobre 2012, à l'âge de 72 ans.