Guillaume Piens, Commissaire général de la foire d'art internationale Art Paris

Guillaume Piens est le visage d'Art Paris, le rendez-vous incontournable du printemps sur la scène artistique contemporaine parisienne. Il a rejoint l'équipe en tant que commissaire général en 2011, avec comme mission de faire sortir la foire de la torpeur dans laquelle elle s'était peu à peu plongée. Sous sa direction, Art Paris assume désormais avec force son ADN européen et son positionnement de foire premium mais accessible qui est devenu sa signature. Guillaume Piens a aussi été le directeur de Paris Photo, et est un collectionneur averti, des atouts précieux pour sélectionner chaque année une programmation qui fera mouche. Rencontrez avec Artsper ce spécialiste du marché de l'art !

1. Après l'audacieuse édition 2020 qui a bénéficié d'un coup de projecteur mondial, l'édition 2021 d'Art Paris a connu un succès fulgurant. Comment voyez-vous l'édition 2022 se profiler ?

Je vois tous les ingrédients réunis pour un nouveau succès autour de Art Paris 2022. Le retour à son créneau habituel de printemps, début avril, fait de cette édition 2022 l'un des premiers événements majeurs à ouvrir la saison des foires en Europe, à un moment où la situation sanitaire s'améliore. La renaissance culturelle de Paris attire tous les regards et toutes les convoitises. Pour cette édition, nous avons une liste de 130 galeries de haut vol et surtout une stratégie innovante. Cette dernière est centrée autour d'un engagement fort en faveur de l'environnement, avec deux thématiques « Histoires Naturelles » et « Art & Environnement » associées à une démarche d'éco-conception de foire, une première dans le monde des salons d'art.

2. Art Paris propose une programmation internationale tout en conservant un ancrage français. Comment évolue l'ADN de la foire avec son développement ?

Selon moi, Art Paris est devenu le grand rendez-vous du printemps, une foire régionale et cosmopolite en appui de la scène française, tandis que l'automne prochain accueillera à Paris une nouvelle foire très internationale.

 La foire d'art internationale Art Paris 2021 © Marc Domage Champ-de-Mars

3. Vous invitez chaque année un commissaire d'exposition sur un thème donné, mettant en lumière la scène française. La dernière édition était consacrée au portrait et à la figuration. Que pouvez-vous nous dire sur le sujet de cette année, « Histoires Naturelles » ?

L'idée proposée par Alfred Pacquement était d'interroger le regard que les artistes de la scène française portent sur le monde naturel - animal et végétal - et comment celui-ci trouve une présence renouvelée dans l'esthétique contemporaine. Avec cette thématique, on constate que nombre d'artistes aujourd'hui travaillent autour de la nature. Pour reprendre les mots d'Alfred Pacquement, « ce titre ouvert exprime les grandes diversités d'approche, la capacité de multiples thématiques et une convergence évidente entre ces questions de société et le travail des artistes ».

Notre sélection prend en compte différentes générations. Elle fait dialoguer trois artistes décédés ( Etel Adnan, Gilles Aillaud, Jacqueline Lamba), avec deux jeunes talents de moins de 35 ans (Hugo Deverchère, Justin Weiler) et plus d'une quinzaine d'autres, parfois en duo (Anne et Patrick Poirier, Tursic & Mille) et autant de pratiques, de Carole Benzaken à Barthélémy Toguo ! 

4. L'édition 2022 se concentrera aussi sur le thème « Art & Environnement ». Selon vous, est-il nécessaire pour un événement majeur du marché de l'art de communiquer, à sa manière, sur l'environnement et les enjeux climatiques ?

Si la sélection d'Alfred Pacquement s'intéresse aux artistes qui regardent la nature, celle d'Alice Audoin, l'autre commissaire invitée de cette édition, se concentre, sous le titre « Art & Environnement », sur les artistes dont les pratiques s'emparent des enjeux environnementaux, tels que la crise climatique ou la destruction de la biodiversité.

Pour reprendre les mots d'Estelle Zhong Mengual dans son livre « Apprendre à voir, le point de vue du vivant » (qui m'a beaucoup inspiré) : « La crise écologique que nous traversons ne relève pas seulement d'une crise du vivant mais d'une crise de nos relations au vivant ».

Il me semble intéressant d'utiliser la force de communication d'une foire pour contribuer à cette prise de conscience générale et profonde en matière d'environnement. Et cela passe forcément par le changement du regard que nous portons sur le monde du vivant.

Art Paris 2021 © Marc Domage Champ-de-Mars

5. Le secteur des jeunes galeries comprend nettement moins d'exposants cette année, mais ces derniers viennent de tous les horizons (Europe, Asie, Amérique Centrale...). Est-ce le signe peut-être d'une démarche « less is more », qui favorise la qualité plutôt que la quantité ?

C'est en partie cela, car nous favorisons dans l'ensemble la qualité sur la quantité. Mais c'est aussi dû au changement de lieu, le Grand Palais Éphémère étant plus étroit que le Grand Palais historique.

6. Cette année encore, Artsper est fier d'être partenaire d'Art Paris et de célébrer notre valeur commune : l'accessibilité de l'art contemporain. Quel rôle jouez-vous dans la réussite de cette mission ? Le marché de l'art a-t-il encore du chemin à faire dans cette direction ?

Art Paris défend un point de vue plus grand public que certaines foires, en effectuant un travail de communication notamment vis-à-vis des primo-accédants. Par exemple, des visites décryptées sont offertes aux VIP et conçues en collaboration avec l'observatoire de l'art contemporain. Je pense aussi à la production de vidéos « 1 minute : 1 œuvre », en partenariat avec Museum TV, qui partagent les contenus des galeries sur nos réseaux sociaux. Des outils spécifiques sont mis également à disposition du public, en particulier sur notre site internet, comme la visite virtuelle de la foire, la possibilité de filtrer ses recherches par artiste, ordre de prix, origine géographique, technique... Je crois en l'élitisme pour tous, et le succès de fréquentation record de l'édition 2021 (avec 72 400 visiteurs) indique que nous sommes sur la bonne voie.