Portrait de Yannick Boesso, Président et fondateur d'Urban Art Fair 

Passionné d'art urbain et entrepreneur dans l'âme, Yannick Boesso a fondé Urban Art Fair en 2016. La foire, qu'il pilote chaque année avec brio, a contribué à la place grandissante qu'occupe le street art dans le marché de l'art contemporain en France. Artsper est allé à la rencontre de cet infatigable visionnaire, pour qu'il nous parle de son parcours et nous révèle un aperçu de l'édition 2022 d'Urban Art Fair !

1. Bonjour Yannick ! Tu es à l'origine d'Urban Art Fair, la première foire internationale consacrée à l'art urbain, qui s'est depuis imposée sur la scène artistique. Peux-tu nous parler de ton parcours ? Qu'est-ce qui t'a poussé à monter ce projet en 2016 ?

J'ai commencé mon parcours professionnel dans l'industrie musicale chez Dièse Productions, ensuite en stage dans le label Barclay, puis en tant qu'assistant du président d'Universal Music France, Pascal Nègre. En quittant l'industrie musicale, mon premier souhait fut de retrouver un contact direct avec l'art et de pouvoir monter des projets comme je le souhaitais. Pari toujours risqué, mais qui en vaut en général le coup, in fine. À l'époque, il y a environ 12-13 ans donc, c'était la sortie du film « Exit Through the Gift Shop » de Banksy. Cela a beaucoup compté pour moi, car j'observais avec fascination l'imagination sans limite des artistes urbains, leurs techniques et leurs codes... et cette adrénaline propre à la découverte de nouveaux horizons qu'ils nous proposaient, sans oublier leur impact sur la société. Comme je l'ai souvent dit, j'ai appris simultanément que l'artiste Stanley Donwood (illustrateur notamment pour le groupe Radiohead) était dans la même galerie que Banksy, Mode2, Invader, etc. Mes univers se rejoignaient donc à ce moment-là, ce qui m'a donné énormément d'énergie pour découvrir et entreprendre. La suite est une synergie parfaite entre ma passion montante, ma découverte de chaque galerie du mouvement, des futurs associés porteurs et motivants, et surtout, l'envie que nous soyons tous réunis sous une même halle pour créer cette nouvelle place de marché d'art urbain qui n'existait pas jusque-là.

2. L'année 2022 marque la sixième édition de la foire. Quel a été ton plus grand défi jusqu'ici et comment l'as-tu surmonté ?

Des défis, il y en a chaque année. Mais il est vrai qu'à ce stade du chemin, les ressources financières sont une des clés de la longévité. Annuler un salon, quand il est l'événement principal de votre calendrier, est quasi insurmontable, mais nous y sommes arrivés, en grande partie grâce à nos exposants qui nous ont soutenus, et que je remercie. Nous avons également dû annuler l'édition d'Urban Art Fair prévue à Moscou en septembre 2022, pour des raisons évidentes. Mais nous avons bien sûr d'autres idées quant à notre déploiement hors-France. L'important est surtout de continuer à créer de nouveaux défis, d'apprécier les bons coups et de minimiser les mauvais... La vie quoi !

Photographies des éditions d'Urban Art Fair 2021 et 2016

3. Cette année encore, Artsper est fier d'être partenaire d'Urban Art Fair, ce qui permettra de faire vivre la foire de façon physique et digitale. Pourquoi avoir mis en place ce partenariat ? Et comment vois-tu l'avenir des foires d'art contemporain ?

Artsper est la première plateforme de vente d'œuvres d'art en ligne que j'ai utilisée, à l'époque c'était à travers ma galerie KID Art. Cela crée des liens ! Artsper est une société française, donc cela joue forcément un peu. Même si nous souhaitons viser un public plus international, je pense que chaque année la plateforme s'améliore et que ça ne s'arrêtera pas. D'ailleurs, beaucoup de galeries présentes sur le salon sont aussi sur Artsper. 

Les marchés de la vente en ligne, des ventes aux enchères, des galeries et des foires doivent être ultra connectés. Cela me paraît indispensable. Lors de la première édition du salon, nous avions d'ailleurs proposé une visite virtuelle cliquable, avec redirection sur les pages des œuvres disponibles sur Artsper. C'est beaucoup de travail et de préparation, mais j'aimerais que nous réitérions bientôt ce projet de façon encore plus poussée.

4. Quelles seront les spécificités et nouveautés de cette édition ?

Cette année nous organisons de nombreux partenariats institutionnels, des conférences sur le marché des NFT... Nous agrandissons l'espace extérieur réservé au live painting en collaboration avec la Fondation Agnès b., et nous retrouverons avec joie la sélection de films courts d'Urban Films Festival, ainsi qu'une avant-première le vendredi 13 mai dans l'auditorium du Carreau du Temple. Environ 30% de nouvelles galeries nous ont rejoint cette année, cela va de pair avec notre envie de nous renouveler, à commencer par le plan du salon qui a totalement changé !

Photographies d'artistes et visiteurs d'Urban Art Fair, 2021

5. Urban Art Fair célèbre le street art, un genre très spécifique, né dans la rue. Que réponds-tu à ceux qui disent que l'art urbain ne devrait pas exister dans les musées et institutions ?

À mon sens, il n'y a vraiment plus de débat sur ce sujet, car nous présentons des artistes avant tout. Chacun a son parcours et ses techniques. À partir du moment où nous ne donnons pas à voir des œuvres arrachées à la rue mais bien réalisées en studio, elles existent pour être montrées ; que ce soit dans un salon de coiffure, une galerie, une foire ou un musée.

6. À Urban Art Fair comme sur Artsper, les artistes émergents côtoient les plus célèbres noms et sont accessibles à tous. Selon toi, une foire d'art se doit-elle de fédérer une communauté de passionnés, peu importe qu'ils soient des collectionneurs avertis ou non ?

Les artistes issus de l'art urbain ont majoritairement permis de nouvelles émotions, autant chez des profanes que chez les collectionneurs avertis. Une image ou un style marquant est finalement juste une pensée, un point de vue que l'artiste nous partage. Alors pourquoi devrions-nous réserver cette opportunité à une catégorie de personnes en particulier ? Je pense d'ailleurs qu'un collectionneur sera toujours heureux que l'image de l'œuvre qu'il collectionne fasse le tour du monde et soit aujourd'hui imprimée sur un sac de grande distribution, vue par des milliers de personnes, fasse partie de l'imaginaire collectif... Les images et pensées doivent voyager, et de notre côté, nous essayons au mieux d'être à l'initiative de certains de ces voyages.

7. Es-tu toi-même un collectionneur ? Si oui, comment choisis-tu tes acquisitions ? Peux-tu nous révéler ton dernier coup de cœur artistique ?

Oui je le suis, à mon petit niveau. J'ai toujours collectionné avec un plan bien précis en tête... Celui de pouvoir montrer des œuvres en racontant ma propre histoire. J'aime ne pas collectionner seulement une œuvre par artiste, mais plutôt montrer des polyptyques : une peinture, une photo de l'artiste et une édition par exemple, ou une collection de portraits de monstres cubiques, une série sur le tag, les œuvres marquantes présentées à Urban Art Fair, etc. Parfois, les œuvres que j'aime s'inscrivent dans ce plan, cet instantané du futur que j'ai en tête et qui devra être lisible par tous. Mais parfois, certains artistes se rangent dans une dimension encore plus personnelle, et c'est aussi cette relation avec eux que j'aime conserver.

Collectionner, c'est composer en cherchant des harmonies !

Mes coups de cœur sont aussi variés que les façons de peindre, mais si je devais rendre un hommage pour cette édition, ce serait à l'artiste Mode2. C'est un des plus grands : technicité, émotion, histoire et mouvement... Tout se retrouve dans son travail. Son œuvre restera toujours au premier plan, et nous sommes très fiers que lui et son galeriste s'investissent autant cette année.