Manifold Installation View 2022 © Faridah Folawiyo

Cette semaine, Artsper s'est entretenu avec Faridah Folawiyo, fondatrice de FF Projects. Nous sommes ravis de partager son parcours professionnel ainsi que ses intérêts personnels qui façonnent ses projets acclamés par la critique.

1. Bonjour Faridah, merci de nous parler aujourd'hui ! Pourriez-vous commencer par vous présenter et présenter FF Projects ? Comment votre parcours en tant que conservatrice d'art a-t-il commencé ?

Je sais que beaucoup de gens n'ont pas la chance de vivre cette expérience à l'université, mais le tout premier cours d'histoire de l'art que j'ai suivi était donné par un professeur nigérian (Chika Okeke-Agulu) et portait sur la Renaissance de Harlem et le Black Arts Movement. Je pense que cela a éveillé mon intérêt pour l'étude de l'art. En 2013, j'ai étudié à l'étranger, à Paris, et j'ai suivi d'autres cours d'histoire de l'art. Mais j'ai aussi pu assister à ma première Biennale de Venise, et je suis allée à Berlin pour la première fois et j'ai vu le bunker de Boros. Je pense que ces visites m'ont fait réfléchir au type d'expériences que j'aimerais créer, où il ne s'agit pas seulement de peintures sur les murs, mais de véritables expériences visuelles (et sensorielles). Et puis l'année dernière (2022), j'ai décidé de prendre l'année pour travailler en freelance et de manière indépendante, et de voir ce qui pourrait se passer si j'organisais mes propres expositions. C'est ainsi que FF Projects a vu le jour.  

À gauche : Portrait de Faridah © Faridah Folawiyo / À droite : Manifold Installation View 2022 © Faridah Folawiyo

2. Après votre diplôme en études proche-orientales à l'université de Princeton et votre expérience du marché de l'art contemporain, comment compareriez-vous le marché de l'art des régions orientales et occidentales ? Y a-t-il des similitudes/différences ? Que peuvent-ils apprendre l'un de l'autre ?

À Princeton, j'ai rédigé mon mémoire de fin d'études sur un artiste libanais, Akram Zaatari, et ce fut pour moi une excellente façon de combiner mon domaine d'études avec mon intérêt naissant pour l'histoire de l'art. En fait, je ne connais pas très bien le marché de l'art au Moyen-Orient. C'est vraiment quelque chose que je veux apprendre, et il y a des galeries comme Efie qui, je pense, font des choses extraordinaires dans la région.  

3. Vous avez étudié l'histoire de l'art au Courtauld Institute of Art et vous vous concentrez sur l'art africain dans le cadre de votre conservation. Le monde devrait-il s'intéresser davantage à l'art africain ? Pourquoi ou pourquoi pas ?

Lorsque j'ai fait mon master à la Courtauld (que j'ai d'ailleurs apprécié), je n'ai même pas pu utiliser leur bibliothèque parce qu'il y avait tellement d'angles morts en ce qui concerne l'art africain. D'une certaine manière, je pense donc qu'il serait bon que certaines institutions reconnaissent qu'il s'agit d'un domaine d'étude légitime et qu'elles apportent aux chercheurs et aux penseurs le soutien dont ils ont besoin. Mais je pense aussi que même si le monde ne se concentre pas sur l'art africain, nous sommes suffisamment nombreux sur le continent et dans la diaspora à comprendre la valeur de l'art qui est créé, et nous pouvons créer et soutenir nos propres écosystèmes. Nous le faisons déjà dans une large mesure.  

À gauche : Manifold Deluxe Installation View 2023 © Faridah Folawiyo / À droite : Manifold Deluxe Installation View 2023 © Faridah Folawiyo

4. Comment sélectionnez-vous les artistes et les œuvres d'art pour les expositions ? Pouvez-vous nous faire part de votre processus et de vos critères pour organiser des expositions diversifiées et inclusives ?  

Je parle constamment à des artistes, je les rencontre et je vais à des expositions. Une chose vraiment merveilleuse qui se produit également, c'est que les artistes me recommandent d'autres artistes. J'adore le sentiment de communauté qui en découle. En ce qui concerne le commissariat, j'ai tendance à trouver d'abord un concept, puis à trouver les artistes qui correspondent au thème. Je le dis tout le temps, je suis une femme noire, il est donc logique que j'aie tendance à mettre l'accent sur d'autres femmes noires dans ma pratique de commissaire d'exposition.

5. Vous avez récemment conclu l'exposition "Manifold (Deluxe)", qui présentait 15 artistes féminines de différentes régions du monde. Que voulez-vous que les spectateurs retiennent de ces histoires ?

Manifold traite de la multiplicité et de l'abondance. Il s'agit en fait d'un rejet de la catégorisation et de l'enfermement et encourage le spectateur à aborder les œuvres exposées avec une ouverture d'esprit et en reconnaissant qu'elles peuvent travailler sur plusieurs registres différents à la fois. Mais un autre élément essentiel de Manifold, et de toute exposition dont je suis le commissaire, est que je veux que les espaces soient confortables. Je veux que les gens aient la liberté d'aimer ce qu'ils aiment sans se soucier de mes intentions ou de ce qu'ils sont censés aimer.

À gauche : Manifold Deluxe Installation View 2023 © Faridah Folawiyo / À droite : Manifold Installation View 2022 © Faridah Folawiyo

6. En tant que jeune curatrice noire, quels sont les principaux défis auxquels vous avez été confrontée sur le marché de l'art contemporain ? Comment les surmontez-vous ou vous efforcez-vous de les résoudre ? Pouvez-vous nous faire part de stratégies ou d'initiatives spécifiques que vous avez mises en œuvre ou que vous envisagez de mettre en œuvre ?   

Je pense que, d'une certaine manière, Manifold était une réaction à l'enfermement inutile de l'art noir et de ses praticiens. Je pense donc qu'il s'agit vraiment de s'ouvrir autant que possible, de rejeter constamment les idées de ce que quelque chose est censé être ou ressembler. Je m'efforce toujours d'organiser des expositions qui peuvent être bien documentées et cérébrales, mais aussi accessibles et intéressantes pour quelqu'un qui participe à sa première exposition. J'essaie toujours de trouver cet équilibre.

7. En tant que jeune curatrice, quelles sont vos aspirations dans l'industrie de l'art contemporain ? Comment envisagez-vous votre impact et vos contributions au marché mondial de l'art ?  

J'espère continuer à faire un travail qui résonne particulièrement avec le public noir et africain. Je veux continuer à faire des spectacles, à écrire et à créer des infrastructures qui permettent aux artistes, en particulier aux femmes noires, de prospérer.