Valérie Tordjman

1960, décennie de tous les possibles. Dans un ciel épique, derrière les nuages épais, se lève un soleil hippie. Une ère de paix qui fredonne des airs de liberté. Du ventre des nations, éclot toute une nouvelle génération. Des étoiles plein les yeux. Des espoirs plein les têtes. Sur l'horloge du bonheur, sonne enfin, l'heure du « flower power »…

… C'est à cette époque, au moment où des millions d'américains arboraient dans les rues de Washington leur parapluie en pétales pour se couvrir des bruits de balles, qu'à Paris, à l'automne 1964, naissait sous le signe de la fleur, Valérie Amouyal Tordjman. 

La fleur de l'âme

Très tôt, une intense sensibilité artistique s'empare de la jeune fille. À tel point que le rêve d'indépendance, la soif d'apprendre et le désir brûlant de créer dictent bientôt les choix qui forgeront le reste de sa vie. C'est à seulement 16 ans, la fleur au fusil et le cœur en fusain, que Valérie décide de quitter les bancs du collège pour suivre une formation Décoratrice à l'école d'arts appliqués « MJM Graphic Design ».

Dans cette antre où le visuel est roi, l'esthète en herbe murmure à l'oreille des images. L'élève s'initie au dessin, se familiarise avec les arts plastiques et apprend à dompter l'espace comme à cerner l'éclairage. Le temps des premiers croquis, plans, maquettes, perspectives et autres procédés graphiques qui lui offrent, à jamais, le sens du beau.

À 18 ans, Valerie commence à exercer en tant créatrice florale avant de développer à 24 ans, sa propre entreprise. 

Pendant une dizaine d'années, au contact des petits commerçants comme des grands magasins, Valérie a su voir les vitrines comme des scènes sans comédien afin d'ériger l'étalage au rang d'art décoratif. Susciter la curiosité des clients, séduire l'imagination des passants, leur donner envie de franchir la porte, telle était l'ambition de celle qui, alchimiste des produits, s'est attachée à transformer les marchandises en œuvres d'art. 

La fleur de l'âge

C'est sur le terrain que cette travailleuse du réel affûte ses premières armes en la matière. Se lever avant le soleil, prendre la route sous la lune pour arriver à l'aube tel est le quotidien de celle qui a tant appris en passant des matinées entières à scruter humblement les mouvements des producteurs florale.

À force de rage et de persévérance, la néophyte a rapidement compris le langage des fleurs. Au fil de ses rencontres avec les roses, les lys et les iris, les chrysanthèmes, les orchidées et les jasmins, la jeune pousse a appris à chérir les fleurs, à les sélectionner, les trier, les laver, les couper, les traiter, les harmoniser puis les disposer, au gré de ses envies et de ses inspirations, dans des bols ou des vases, des paniers ou des bouquets. Du calice à la corolle, de leur senteur à leur odeur, rien de la fleur ne lui est étranger.

La fleur de l'art

À côté de nos travaux quotidiens, il est des projets qui se forgent à l'échelle d'une vie. 

Qui cristallisent notre existence pour lui donner un sens, que l'on a porté si longtemps et éprouvé si intensément qu'ils expriment notre essence et reflètent notre être. En somme, la grande aventure que l'on médite en silence mais qu'on ne réalisera pas. La sienne, aujourd'hui ou jamais, Valérie Tordjman a décidé qu'il était temps de la vivre. 

Après avoir passé sa vie à concevoir des décors dans un but uniquement ornemental, la décoratrice aspire désormais à créer dans une démarche purement esthétique. C'est pourquoi, en 2019, Valérie se défait de sa tenue d'artisane pour enfiler sa robe d'artiste et embrasser enfin son rêve de toujours : la sculpture florale. 

À la croisée des arts plastiques et de l'art urbain, toute l'œuvre de Valérie Tordjman consiste à sculpter avec des fleurs différents objets emblématiques de la pop-culture. 

Fascinée par l'art moderne et le pop art, la plasticienne puise son inspiration dans le maniérisme de Giuseppe Arcimboldo, la liberté d'Andy Warhol et le néo-pop de Jeff Koons pour créer ses propres œuvres d'art figuratives destinées à sublimer la réalité.