Rencontre avec Sophie Fontanel, écrivaine et journaliste

Interview

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Journaliste pour de grands magazines, auteur de 14 romans (le 15ème vient de sortir), et influenceuse déjantée aux 186 000 abonnés sur Instagram, Sophie Fontanel inspire à travers le monde entier grâce à son amour de l'élégance et son approche décomplexée de la mode et de la vie. En ce mois d'août, Artsper vous propose de découvrir son univers poétique, et son rapport à l'art, à la culture et aux réseaux sociaux.

Artsper : Journaliste mode, écrivaine, icône... votre agenda doit être chargé, vous accordez-vous des instants de découverte culturelle et artistique ?

Sophie Fontanel : Je m'accorde tous les contacts avec l'art possibles et imaginables. 

Aussi bien une expo, que le déclenchement de mon imagination à l'écoute d'une émission de radio parlant d'art, une radio diffusant du jazz, cette musique qui est une abstraction, une recherche sur Google qui m'emmène dans un dédale de références.

Je découvre aussi des peintres, des artistes, en allant d'un post Instagram à un autre. Je suis toujours étonnée quand je vois que certaines personnes méprisent ce qui n'est pas le contact direct et majestueux avec l'art, par exemple celui dans un musée ou dans une galerie. Mais aujourd'hui, les occasions de trouver l'art sur son chemin sont démultipliées.

Par ailleurs, j'évite avec soin tous les milieux forclos. Ces petits clans m'assomment. Ils engendrent des snobismes, des égoïsmes, des sentiments de supériorité qui me font bien rire. Le monde de l'art est rempli de gens incapables d'être des artistes et prompts à juger tout le monde autour d'eux. Et notamment à juger si tel ou tel a le droit ne serait-ce que d'apprécier l'art. 

J'essaie de rester très libre, tolérante, accueillante. C'est aussi une injustice sociale si j'ai pu avoir un vernis de culture, au départ. J'ai eu de la chance.

Rencontre avec Sophie Fontanel, écrivaine et journaliste - illustration 1
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Artsper : Qu'est ce qui vous émeut dans l'art ?

Sophie Fontanel : Quelle question ! Ce qui m'émeut dans l'art c'est que, parfois, cela résout tout, cela remplace tout. Mon principal souci dans la vie, c'est que je suis bien plus émue par l'art que par tout autre chose. Je crois bien que je préfère le livre que je vais écrire sur une désillusion, en essayant d'en faire du gigantesque et de la beauté, que la réelle histoire d'amour que j'ai vécue. 

Je ne veux pas donner l'impression d'être en train de dire que les êtres humains ne me touchent pas, mais enfin la première idée qui me vienne en tête dans chaque rencontre, c'est l'élévation. Comme si je préparais déjà un livre. Ça a un petit côté terrible. Je cherche en vain sur cette terre un homme qui se laisserait empoétiser sans s'en tenir diminué. Les artistes ont bien du mal à s'acoquiner, sauf ceux qui sont si riches et prestigieux que « mot compte double ! ».

Artsper :  Vous aimez vous prendre en photo, y associer des idées bien tournées et les poster sur Instagram, diriez-vous que le selfie est devenu une forme d'art ?

Sophie Fontanel : Disons que, pour moi, ces selfies que je fais sont un véritable travail. Ils sont une recherche. C'est exprès que leur tendance narcissique est compensée, sur chaque photo, par le fait que mon visage demeure toujours caché. C'est exprès qu'il y a répétition, c'est exprès que la position et le lieu restent les mêmes. 

C'est presque de la mode, mais c'est un monde. 

J'ai toujours pensé que les photos de mode avaient à voir avec l'art. La position du modèle, sa codification, son évolution, et puis ce rapport à la perfection, à l'allure, tout cela n'est pas rien. 

En jouant à être moi-même le modèle, moi qui ne suis absolument pas mannequin, j'ai exaucé un rêve. Mais je ne l'ai pas exaucé pour moi-même (ou seulement en partie), je l'ai réalisé, ce rêve, pour tous les gens qui regardent. C'est une histoire de lien d'un bout à l'autre. 

Par ailleurs, le selfie est une forme d'art depuis le début. Il a si fort à voir avec l'autoportrait, l'idéalisation, et aussi le risque (on est souvent moqué, quand on s'auto-représente). J'ai d'ailleurs dans l'idée que les gens qui ne font pas de selfies et les détestent, c'est parce qu'ils ont bien compris qu'ils n'avaient pas le talent d'en faire. 

Je voudrais aussi ajouter que ces selfies que je fais, viennent de très loin. Je fais partie de ces gens qui, parfois, ne se voient pas dans le miroir. Ça a un nom, je crois. A force de me chercher, j'ai pu du moins faire apparaître quelque chose. Si ça, ce n'est pas de l'art !

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Artsper : Pensez-vous que les réseaux sociaux ont transformé notre rapport à l'art comme à la mode ?

Sophie Fontanel : Sans doute, pour la raison que j'ai exposé tout à l'heure : on a accès à tant de choses. Moi, ce qui m'amuse, c'est qu'il y a finalement peu d'artistes qui acceptent d'investir les réseaux sociaux. C'est encore perçu comme pas trop sérieux. Et puis, cela ne rapporte pas beaucoup d'argent, du moins en apparence. Et les artistes surveillent parfois leurs moindres productions artistiques comme s'il s'agissait d'espèces sonnantes et trébuchantes. 

Pourtant, je suis convaincue que nous tenons là, par les réseaux sociaux, de quoi faire des miracles. Toute la haine présente sur les réseaux sociaux devrait déclencher chez les artistes une envie de répondre à cette haine et de la conjurer. 

Et il y a un point encore plus important, auquel je suis confrontée tous les jours : les réseaux sociaux permettent le lien avec les gens qui aiment votre travail. Il vous font parler à cette sorte de public, directement. Ne pas se mettre en relation avec ces gens qui ne demandent que ça, ces gens qui veulent du lien avec ce qu'ils acceptent, de façon bouleversante et très noble, d'admirer, cela me semble un peu criminel, et surtout tellement dommage pour l'artiste. L'artiste dans sa tour d'ivoire, pardon, mais c'est d'un démodé.

Ce lien rendu possible entre l'artiste et ses aficionados, il place curieusement le créateur dans une position encore plus divine. Mais c'est de la divinité appliquée, un peu comme on dit « de l'art appliqué ». Parfois, quelques esprits cyniques viennent commenter tel ou tel post sur mon compte Instagram, et je peux lire des choses comme : « bien sûr, vous, avec vos adorateurs ». Et on sent que c'est péjoratif. Mais moi je ne vois pas ça comme ça. Pour moi ces gens qui acceptent d'adorer mon travail et une partie de moi, ce ne sont absolument pas des idiots, ni des gens qui se sont fait avoir. Ce sont des amateurs d'un nouveau genre, d'une nouvelle ère : Ils participent à votre production artistique. Si j'avais pu en faire autant avec Françoise Sagan, avec Barbara, avec Niki de Saint-Phalle, avec Léonard Cohen… si j'avais pu les « suivre » et appréhender un peu de leur quotidien, cela m'aurait tant apporté.

Artsper : Quels sont vos artistes phares ?

Sophie Fontanel : Ça change selon les années. En ce moment, je suis passionné par le peintre Sorolla. Il annonce tout ce que sera Jacques Henri Lartigue. J'aime aussi beaucoup Sargent, à cause des vêtements, je crois. J'aime aussi Louise Dahl Wolfe, la netteté en réponse à nos monceaux d'à peu près. 

Si je pouvais posséder une œuvre d'art de grande valeur, j'aimerais avoir un bas relief de Canova. Parce que je n'en croirais pas mes yeux d'avoir accès à tant de douceur. 

J'aime aussi beaucoup cet artiste afro-américain, Rico Gaston, et sa façon de peindre l'aura des personnalités qu'il admire.

Passion aussi pour les photos de Jean Depara, ce Congo où les gens sont si modernes et dansent la nuit comme s'ils étaient toute la Nouvelle Vague à eux tout seuls. Et les tongs à leurs pieds. La grâce de tout ça.

Artsper : Quels sont vos lieux culturels favoris ?

Sophie Fontanel : Le musée du Jeu de Paume et sa dimension humaine. Le Louvre que je connais par cœur. Le Musée archéologique d'Athènes. Les grandes grottes de Chauvet et de Lascaux (leur reconstitution). L'architecture de la Fondation Gulkenkian à Lisbonne... Le musée du costume de cinéma à La Warner... 

Artsper : Vous inspirez plusieurs générations, avez-vous un conseil à donner aux femmes aujourd'hui ? 

Sophie Fontanel : Essayez d'être libres aussi des pensées à la mode. C'est bien d'être écolo et féministe, c'est même vital, mais cela ne peut constituer toute votre culture. Le yoga ne peut pas non plus être votre rapport au sacré. Lisez, lisez. Écoutez de la musique. Lisez des auteurs de grands talents mais qui ne pensent pas comme vous, lisez Le Journal Inutile de Paul Morand. Le monde ne se réduit pas à ceux qui pensent comme vous. Écoutez aussi ce que les hommes ont à dire. On ne peut pas construire un monde en commettant la même erreur que les hommes : mépriser l'autre sexe. 

Tout cela a l'air loin de l'art mais ne l'est pas. L'homme, par l'art, exprime son désir de puissance mais aussi avoue sa fragilité. 

Sans fragilité, nous ne serons pas des femmes fortes. 

Restez sensibles. 


Sélection d'œuvres d'art

Dessin, Black stuff, Jonathan Huxley

Black stuff

Jonathan Huxley

Dessin - 25 x 40 x 3 cm

1 850 €

Photographie, Free spirit 1, Pierre Cherix

Free spirit 1

Pierre Cherix

Photographie - 40 x 30 x 0.1 cm

180 €

Peinture, L’Orchestre de l'Opéra, d’après Degas 1870/2018, Dominique Mulhem

L’Orchestre de l'Opéra, d’après Degas 1870/2018

Dominique Mulhem

Peinture - 130 x 97 x 3 cm

Vendue

Photographie, L'enfant qui survolait le monde - n° II/VI, Jacques Renoir

L'enfant qui survolait le monde - n° II/VI

Jacques Renoir

Photographie - 57.5 x 38 cm

1 100 €

Dessin, While we waited for the water spirit, Miquel Wert

While we waited for the water spirit

Miquel Wert

Dessin - 89 x 119 cm

3 100 €

Peinture, Josi, Lulu et Yvonne, Cécile Colombo

Josi, Lulu et Yvonne

Cécile Colombo

Peinture - 80 x 80 x 2 cm

1 450 €

Peinture, Lumenis 44, Tracey Adams

Lumenis 44

Tracey Adams

Peinture - 61 x 61 cm

3 280 €

Peinture, Hublot sur mer, Laurelle Bessé

Hublot sur mer

Laurelle Bessé

Peinture - 50 x 50 x 2 cm

Vendue