Rencontre avec Sam Dougados

L'artiste de land art nous confie son engagement pour l’environnement

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Portrait de Sam Dougados en action sur une plage © Aurélie Monnet

Sam Dougados est un artiste contemporain français, vivant sur la côte basque. Véritable autodidacte, il habille les plus belles plages de ses créations harmonieuses et éphémères. Son art, typique du land art, s'inscrit dans une démarche environnementale forte. La nature est sa source d'inspiration première, elle lui sert à la fois de toile de fond et de sujet. Rencontrez avec Artsper cet artiste engagé !

1. Bonjour Sam ! Peux-tu nous parler de toi et de ton parcours ?

Bonjour Artsper. J'ai 45 ans et je vis dans un petit village landais depuis peu, aux portes du pays basque, où j'ai emménagé il y a 22 ans. Je suis originaire de Strasbourg que j'ai quitté à la fin de mes études pour Biarritz, ses vagues et sa qualité de vie. J'ai toujours eu un intérêt pour l'art et l'expression, matérialisant ma sensibilité et mes émotions, d'abord sous forme de poèmes à partir de l'adolescence, puis naturellement en essayant différents médiums et techniques, toujours de façon autodidacte.

En 2007, le centre d'art Spacejunk de Bayonne m'a donné ma 1ère opportunité d'exposer en galerie, avec des sculptures en béton cellulaire. Début 2008, après un licenciement, je décide de me consacrer entièrement à l'art, explorant toujours différents médiums. Cet été là, je m'essaye au beach art, découvert un an plus tôt dans une vidéo de surf sous le râteau d'un Californien. Les résultats ont tout de suite été intéressants, permettant une très belle interaction entre mes dessins et le public. À l'époque, j'étais le seul à vraiment pratiquer et développer cet art en France. Cela m'a permis d'avoir un rôle unique, de me démarquer sur la scène artistique et de proposer un travail original.

Naturellement la photographie est venue compléter cet art, d'abord pour garder une trace de mes dessins, dont la durée de vie ne dépasse pas 4 heures, puis vraiment comme un second travail à part entière, posant mon regard sur ces œuvres éphémères, essayant de raconter une autre histoire et d'extraire la poésie de l'instant, parfois juste dans un détail. Le beach art - très similaire par son approche, sa durée de vie et son accessibilité au street art - m'a également poussé un peu plus vers l'art environnemental et les installations en extérieur que je pratique également aujourd'hui lors d'appels à projet.

2. Quels sont ta démarche artistique et le message que tu souhaites faire passer à travers ton art engagé ?

J'ai très vite remarqué l'interaction avec le public car la dimension hors norme, l'aspect éphémère et la visibilité sur une plage très touristique me permettent de toucher très vite beaucoup de personnes. C'est une manière pour moi de mettre en avant l'environnement, cette magnifique nature qui sert d'écrin à mon œuvre mais qui en fait également partie et dont je m'inspire. D'un coup, par cette intervention sur le sable, les gens prennent conscience de sa beauté, sa fragilité, de l'urgence de s'en délecter et de la protéger. Par la même occasion, ils prennent conscience d'eux-mêmes, en tant qu'êtres dans cet environnement... Et la conscience est la base de tout : « L'émerveillement est le premier pas vers le respect » (N. Hulot).

Rencontre avec Sam Dougados - illustration 1
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À gauche : « L'homme libre », tracée sur une plage marocaine. Œuvre faite avec le signe berbère « Yaz », l'emblème de ce peuple. À droite :  une plage des Bermudes.

3. Comme souvent avec le land art, tes œuvres sont grandioses et éphémères. Elles ne restent intactes que quelques heures avant que la marée ne les efface... Peux-tu nous parler de ton processus de création ?

Mon processus de création est assez libre, je ne cherche pas forcément la complexité ou la démesure dans mon dessin, mais plutôt l'émotion, la poésie et l'harmonie dans l'image finale. J'improvise souvent, soit en fonction du lieu lui-même, de la plage, sa forme, ses flaques, ses rochers, ses fissures que je peux observer, ou bien par rapport au pays où je me trouve, son histoire et sa culture, comme les zellige et l'art islamique au Maroc, les azulejos au Portugal etc. J'ai bien sûr également un carnet de croquis que j'annote quand j'ai des idées.

Cela fait maintenant plus de 13 ans que je pratique cet art et il n'est pas toujours facile de se renouveler... Mais il y a encore beaucoup à faire. Parfois, mon œuvre peut aussi être juste une phrase, amenant directement un message explicite qui va engendrer une réflexion. Puis concrètement, je regarde le calendrier des marées où je me trouve, et la météo bien sûr, puis je travaille en fonction de cela, commençant mon dessin environ 2h avant la marée basse.

J'ai malheureusement des contraintes qui peuvent parfois être compliquées à gérer, surtout lorsqu'il s'agit de commandes. Cela demande de s'adapter, car en cas de pluie ou de grosse houle, selon l'endroit, il est tout bonnement impossible de travailler et il faut reporter. Généralement je n'utilise qu'un simple râteau à feuille, rien d'autre, sauf si le dessin est complexe avec des mesures et proportions précises, comme par exemple les 7 visages des présidents du G7.

4. Pourquoi avoir choisi de produire un art éphémère ? Que t'inspire cette notion ?

Lorsque j'ai découvert cet art, je l'ai trouvé vraiment magnifique, malgré sa « simplicité » d'approche. Un cercle sur une feuille A4 n'engendre pas grande émotion, mais un cercle de 50m de diamètre sur une belle et immense plage, oui, parce que ce n'est pas attendu ni courant ou prévisible, c'est presque hors-sujet. Le côté éphémère renforce encore plus cet attrait, car on sait que ça va disparaître très vite. « La beauté, pour être émouvante, doit être éphémère » disait Robert Doisneau. C'est aussi pour cela que nous portons plus d'attention à une fleur ou un papillon, dont la vie très courte nous incite à en profiter rapidement, instantanément... et par allégorie, c'est le principe même de notre vie ! Nous prenons trop souvent conscience de ce qui nous manque quand nous l'avons perdu, de ce qui était beau quand c'est détruit. L'art environnemental et le land art nous poussent à chérir l'instant, la vie et la beauté.

J'ai choisi cet art de façon très naturelle car je pense qu'il me correspondait. J'habite près des plages, je suis surfeur et très sensible à la nature, donc utiliser cet espace comme studio était presque une évidence et une chance. Le travail éphémère est une sorte de performance, une course contre la montre. Cet instant est riche en émotions, c'est un mélange entre une danse improvisée, avec le vent et la marée, et une méditation en pleine conscience, les 5 sens en éveil !

5. Tes fresques font parfois plusieurs centaines de mètres carrés. Comment choisis-tu les lieux où tu les traces ? D'où te vient cette fascination pour la plage ?

Lorsque j'ai débuté ce travail, j'avais la plage parfaite pour cela, à la côte des Basques juste à cinq minutes de mon appartement quand j'habitais Biarritz. Mon travail demande un sable ferme, recouvert par la marée pour qu'il soit humide et, idéalement, un point haut pour prendre du recul et permettre des photos d'ensemble. Cela fait plusieurs paramètres qui ne sont pas si évidents à avoir ensemble.

Aujourd'hui nous avons les drones, mais je les utilise très peu. Naturellement j'ai beaucoup dessiné sur cette plage mais j'apprécie particulièrement en découvrir de nouvelles, lors de voyages, en France ou à l'étranger, c'est toujours plus inspirant après toutes ces années. Des fois je voyage avec mon surf et mon râteau, comme souvent au Maroc où j'aime particulièrement aller, mais j'ai aussi pu dessiner aux Bermudes sur du sable rose, en Afrique du Sud, ou en Irlande par exemple. C'est également une manière pour moi de témoigner de la beauté de nos plages, de la nature, qu'elle soit à côté de chez nous ou au bout du monde. Il n'est pas rare que les gens viennent me voir pour discuter, me questionner, cela permet des échanges et des rencontres aussi que l'on a pas dans un studio ou dans un atelier.

Rencontre avec Sam Dougados - illustration 1
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À gauche : l'artiste en action sur une plage de Tafedna au Maroc. À droite : des vagues parfaites pour surfer, une des passions de Sam Dougados.

6. Quelle place occupe la côte basque et sa biodiversité dans ton art ? As-tu été sensibilisé au défi climatique et environnemental lorsque tu étais plus jeune ?

J'affectionne particulièrement la côte basque car j'ai choisi d'y vivre il y a plus de 20 ans après l'avoir découverte lors de mon premier stage de surf quand j'avais 18 ans. Depuis, j'ai quand même pu voir comment la région change, vite, trop vite même, victime de son succès. Je pratique le surf, la pêche, la chasse sous-marine, le snowboard... La région est parfaite pour tout cela, c'est un terrain de jeu fabuleux, riche en culture, en paysages variés et l'Espagne toute proche est également un atout culturel. Il y a beaucoup d'artistes dans la région car la qualité et le style de vie, l'espace et la liberté ressentie permettent peut-être plus cela qu'ailleurs.

Je ne pense pas avoir été particulièrement sensibilisé au défi climatique étant jeune, car ces mots et notions n'existaient pas vraiment. Par contre mes parents recyclaient déjà ce qu'ils pouvaient, je me revois rapporter les bouteilles à la Coop du coin pour récupérer la consigne - qui inciterait sûrement plus les gens à recycler si c'était à nouveau en place - et nous avions un potager, nous allions à la ferme avec un pot-au-lait comme ceux de mes grands-parents. Depuis, combien de milliers de fermes ont disparu, avec à la place des centres commerciaux démesurés ?

L'écologie est un terme assez récent mais autrefois, les produits étaient naturels, bio par essence, les sacs en plastiques étaient des paniers en osiers et les engrais chimiques du compost et du fumier. Ce sont les produits issus de l'agriculture chimique qui devraient avoir une appellation particulière, pas l'inverse... mais les lobbys sont passés par là ! J'ai toujours un potager que nous adorons développer avec ma compagne, avoir le plus de variétés possibles et originales, nos poules nous donnent chaque jour des œufs frais. Nous avons aussi trouvé une ferme à 3 minutes où nous achetons le lait frais et la viande produits sur place. Pour moi, tout cela est une richesse et nous cherchons le plus possible cette autonomie en accord avec notre environnement, sans pour autant nous couper de la société. En plus c'est meilleur et souvent moins cher. Le luxe du 21ème siècle, pour moi ce sont le silence et l'espace !

7. Au vu de l'urgence climatique, est-ce selon toi aux artistes de trouver des solutions ? Et pour aller plus loin, l'art peut-il sauver la planète ?

Il y a urgence climatique, cela ne fait aucun doute, depuis longtemps, et ceux qui ne veulent pas y croire sont de moins en moins nombreux. Mais pour autant, faisons-nous assez ? Certainement pas, sinon les rapports des scientifiques ne seraient pas toujours plus alarmants. Est-ce aux artistes de trouver des solutions ? Pas plus qu'aux gouvernements et à ceux qui ont du pouvoir. Malheureusement, le pouvoir n'engendre que rarement des bonnes choses si ce n'est essayer d'en avoir toujours plus (comme l'argent, intimement lié). L'actualité nous le montre chaque jour.

Est-ce que l'art sauvera la planète ? Je ne pense pas, non ! Je suis de nature optimiste... mais de plus en plus réaliste aussi. La question, aujourd'hui, n'est plus de savoir si nous allons prendre un mur, mais de savoir si nous continuons à courir vers lui ou, au contraire, si nous essayons de ralentir le processus, de retarder et d'atténuer l'impact. Ce n'est pas le monde qu'il faut sauver, même si nous abusons de la planète autant que possible, la violons au plus profond de ses entrailles, chaque jour un peu plus, la défigurons, détruisons la diversité de vie qui la compose, elle s'en remettra toujours... Certes, plus aussi belle que nous l'avons connue, à l'échelle de notre minuscule vie, mais nous, nous ne nous en remettrons pas si nous continuons ainsi. Nous nous comportons comme des parasites qui après avoir usé et abusé de notre hôte, en changeons pour faire de même après... Sauf qu'il n'y aura pas d'après pour nous, pas de deuxième planète. Il y a pourtant des parasites qui vivent en harmonie avec leur hôte, tels les poissons pilotes avec les requins par exemple. Nous, artistes, pouvons juste contribuer à éveiller un peu les consciences, dénoncer les abus, émerveiller ou dégoûter, provoquer... Mais cette prise de conscience, quand elle a lieu, doit s'accompagner de faits, d'actes conséquents.

Malheureusement, pour vraiment changer les choses au niveau dont nous avons réellement besoin pour éviter un emballement des catastrophes, cela passera, je pense, par des grosses contraintes, des changements profonds dans notre manière de vivre, des privations importantes et ce n'est pas sûr que nous le ferons par choix. J'ai lu qu'il faudrait, juste pour respecter nos engagements actuels de limitation du réchauffement climatique, un confinement au niveau mondial comme nous en avons eu en 2020, chaque année... Qui est prêt à cela aujourd'hui ?

8. Enfin, quelle plage rêves-tu d'orner d'une de tes œuvres ?

Il n'y a pas de plage en particulier que je rêve d'orner de mes œuvres, car il y en a encore tellement de magnifiques... C'est tout le plaisir d'en découvrir lors de voyages. Cela pourrait être en Islande, en Nouvelle Zélande, en Orégon, ou en Bretagne !


Sélection d'œuvres d'art

Photographie, Dravert, Georges Rousse

Dravert

Georges Rousse

Photographie - 180 x 230 cm Photographie - 70.9 x 90.6 inch

27 000 €

Sculpture, Passage, Mireille Guérin

Passage

Mireille Guérin

Sculpture - 130 x 115 x 5 cm Sculpture - 51.2 x 45.3 x 2 inch

5 800 €

Peinture, Esperance I, Gabriella Moussette

Esperance I

Gabriella Moussette

Peinture - 100 x 100 x 2 cm Peinture - 39.4 x 39.4 x 0.8 inch

4 800 €

Photographie, Flysch N°2, Sam Dougados

Flysch N°2

Sam Dougados

Photographie - 100 x 75 x 0.3 cm Photographie - 39.4 x 29.5 x 0.1 inch

Vendue

Photographie, Under the Lightening N°2, Sam Dougados

Under the Lightening N°2

Sam Dougados

Photographie - 100 x 75 x 0.3 cm Photographie - 39.4 x 29.5 x 0.1 inch

1 700 €

Photographie, Dilignité, Sam Dougados

Dilignité

Sam Dougados

Photographie - 50 x 37.5 x 0.3 cm Photographie - 19.7 x 14.8 x 0.1 inch

550 €

Sculpture, N°050120 (TM64), Thierry Martenon

N°050120 (TM64)

Thierry Martenon

Sculpture - 191 x 48.5 x 11 cm Sculpture - 75.2 x 19.1 x 4.3 inch

Vendue

Édition, Lithographie Farandoles XVIII, Hans Hartung

Lithographie Farandoles XVIII

Hans Hartung

Édition - 50 x 38 cm Édition - 19.7 x 15 inch

Vendue

Peinture, Surface & Depth #31, SupaKitch

Surface & Depth #31

SupaKitch

Peinture - 120 x 90 x 4 cm Peinture - 47.2 x 35.4 x 1.6 inch

Vendue

Sculpture, Nest 2, Vasya Dmytryk

Nest 2

Vasya Dmytryk

Sculpture - 60.5 x 36 x 32 cm Sculpture - 23.8 x 14.2 x 12.6 inch

1 765 €

Peinture, Le messager, Antoine Josse

Le messager

Antoine Josse

Peinture - 40 x 40 x 3 cm Peinture - 15.7 x 15.7 x 1.2 inch

Vendue

Sculpture, Floating favelas, Blue tower_III, David Moreno

Floating favelas, Blue tower_III

David Moreno

Sculpture - 82 x 30 x 30 cm Sculpture - 32.3 x 11.8 x 11.8 inch

3 740 €

Photographie, 17 03 27 005, Pierre Jalby

17 03 27 005

Pierre Jalby

Photographie - 120 x 90 x 4 cm Photographie - 47.2 x 35.4 x 1.6 inch

4 000 €

Photographie, River #4, Jonathan Smith

River #4

Jonathan Smith

Photographie - 101.6 x 127 x 5.08 cm Photographie - 40 x 50 x 2 inch

9 929 €

Sculpture, Majestic, Nicolas Delage

Majestic

Nicolas Delage

Sculpture - 225 x 80 x 35 cm Sculpture - 88.6 x 31.5 x 13.8 inch

5 300 €