Portrait d'Esther Grimm © Joe Mazza Brave Lux Chicago

Esther Grimm est la directrice exécutive de 3Arts, une organisation basée à Chicago qui offre un soutien aux femmes artistes, aux artistes de couleur et aux artistes sourd.e.s et handicapé.e.s par le biais de bourses, de résidences, de financement de projets et de formations professionnelles conçues pour les aider à développer leurs pratiques artistiques et leurs carrières. Rejoignez Artsper alors que nous discutons avec Esther de sa carrière jusqu'à présent, de 3Arts et de l'accessibilité dans les arts !

1. Bonjour Esther ! Peux-tu te présenter et nous parler un peu de l'histoire de 3Arts ?

Je viens de célébrer mon 20ème anniversaire en tant que directrice de 3Arts. J'ai assumé ce rôle au moment où notre organisation était sur le point de se transformer complètement, passant de la fourniture de logements pour artistes dans un bâtiment historique à la fourniture de subventions et de programmes pour les artistes de Chicago. Ce fut une expérience incroyablement enrichissante que de participer à la transformation de 3Arts.

Notre organisation a été créée sous le nom de Three Arts Club of Chicago par Jane Addams et 30 autres leaders civiques, afin d'offrir un foyer et un club aux jeunes femmes qui étudiaient les arts dans notre ville. C'était huit ans avant que les femmes n'aient le droit de vote aux États-Unis, et l'idée était de les aider à trouver des opportunités professionnelles dans le monde artistique, dominé par les hommes. Notre organisation faisait partie d'un réseau de Three Arts Clubs répartis dans le monde entier, notamment à Paris, Londres, New York, Los Angeles, Philadelphie et Cincinnati.

2. Quel est l'objectif de 3Arts ?

Notre mission concerne la danse, la musique, le théâtre et les arts visuels. Parce que nous nous concentrons sur les artistes de la région métropolitaine de Chicago, notre soutien est également un investissement dans le dynamisme et le bien-être de chaque quartier dans lequel ils vivent et travaillent. Nous soutenons les artistes dont le travail ajoute de la vitalité et de l'énergie créative à tous dans notre région, qu'ils soient résidents ou visiteurs.

À gauche : Tara Ahern, Mariam Paré, et Reveca Torres, Tres Fridas Project © les artistes, à droite : Candace Hunter, Six Feet Apart © Candace Hunter

3. Le Three Arts Club existe à Chicago depuis 1912. Dirais-tu que l'esprit de la ville joue un rôle important dans la culture de l'organisation ?

Chicago est au cœur de notre travail. L'ancien Three Arts Club of Chicago a attiré des femmes artistes et des étudiants en art dans notre ville en proposant des logements temporaires et des programmes. Il s'agissait avant tout de mettre en lumière le formidable centre artistique urbain qu'est Chicago. 3Arts continue de soutenir les artistes locaux et, nous l'espérons, de les mettre en contact avec des publics au fur et à mesure de l'évolution de leur carrière.

4. 3Arts met l'accent sur le travail avec la communauté. Quelle est, selon toi, l'importance de la coopération communautaire lorsqu'il s'agit d'encourager l'accessibilité aux arts ?

Pratiquement tout ce que nous faisons est le fruit de nos conversations, de nos réunions, de nos enquêtes et de nos entretiens avec les artistes, ainsi que de l'apport de notre conseil des artistes, qui est un panel d'artistes composé de neuf membres. En tant qu'organisation, nous nous efforçons de créer des opportunités qui encouragent et développent cette pratique de collaboration. Par exemple, cette année, nous avons créé 3AMP, le programme de mentorat de 3Arts, qui permet aux artistes de notre réseau d'entrer en contact et de se soutenir mutuellement par le biais d'un partage de ressources, d'un partenariat de travail ou de relations traditionnelles.

5. L'accessibilité pour les artistes sourd.e.s et handicapé.e.s est au cœur de ta philosophie. Pourrais-tu nous parler de ce que tu as fait pour pallier le manque de programmes de formation accessibles dans les arts ?

L'accent est certainement mis de plus en plus sur les arts du handicap et l'accessibilité, mais nous n'avons pas encore atteint le point où nous pouvons dire que tout le monde est représenté dans la majorité des salles d'exposition. C'est pourquoi nous avons lancé, il y a deux ans, l'initiative 3Arts Disability Culture Leadership Initiative, une plateforme destinée à présenter le travail et la sagesse des artistes handicapés et, nous l'espérons, à servir de ressource aux organisations pour identifier les artistes à engager. La plateforme se trouve sur notre site web et présente une série de conversations vidéo entre des artistes d'un grand nombre de disciplines.

À gauche : Esther à une exposition de Dianna Frid à la Alan Koppel Gallery © 3Arts, à droite : Pooja Pittie dans son studio © Abbi Chase

6. Ces 5 dernières années, 3Arts a vu une croissance significative. Du lancement d'une plateforme de crowdfunding, 3AP (3Arts Projects), en 2012, à la Disability Culture Leadership Initiative (DCLI) en 2021. Comment l'intersection de l'art et de la technologie a-t-elle changé ce que tu fais ?

Nous nous sommes tournés vers des partenariats avec des artistes médiatiques, des vidéastes, des experts en production, des descripteurs audio et des interprètes en langue des signes pour renforcer notre présence en ligne. L'un des principaux avantages de la programmation en ligne est que nous touchons des personnes au-delà de Chicago. Cette année, une personne du Panama a assisté à notre cérémonie annuelle de remise des prix ! La programmation en ligne est également incroyablement accessible. Je pense que la chose la plus importante que nous avons apprise en faisant ce travail est la quantité de réflexion nécessaire à chaque élément afin de transmettre la même atmosphère chaleureuse et le même sens de la spontanéité qu'un programme en personne.

7. Lorsqu'on parle d'art, un langage biaisé est souvent utilisé : « émergent » pour désigner un jeune artiste, « établi » pour définir un artiste plus traditionnel. Que peut-on faire pour changer la conversation sur le langage du monde de l'art ?

Chez 3Arts, nous encourageons les membres du jury à parler librement entre eux afin d'éviter tout faux pas lors de la sélection des lauréats. Alors que le monde des arts a tendance à assimiler l'innovation aux artistes émergents et le traditionnel aux artistes établis, de nombreux artistes défient ces stéréotypes. Je pense qu'il est important d'être flexible sur le plan esthétique et ouvert à un large éventail d'œuvres et d'idées.

Nous abordons les conversations autour de la « qualité » en réfléchissant à ce qui détermine si une œuvre d'art est de qualité. Il arrive souvent que ce genre de définitions reflète la culture dominante et d'autres hiérarchies qui négligent des œuvres incroyablement intéressantes.

8. Enfin, quel conseil donnerais-tu aux artistes qui veulent se lancer ?

Je connais des artistes qui ont demandé des subventions plusieurs années d'affilée et qui ont fait l'expérience de la culture du rejet, souvent démoralisante, que ces programmes compétitifs engendrent. Je sais aussi que la persévérance peut porter ses fruits. Par exemple, dans nos propres programmes de prix, des artistes qui n'ont pas été sélectionnés par un jury une année sont parfois sélectionnés par un autre jury l'année suivante. S'ils peuvent recevoir des commentaires sur leur candidature, cela peut être très utile. À 3Arts, nous proposons des séances de feedback privées auxquelles environ 40 artistes participent chaque année. Si vous êtes intéressé par une aide financière, mon principal conseil est tout simplement de poser votre candidature !