(dé)construction

Analyser le lien entre l'art et la politique comme un fait esthétique offre la possibilité d'examiner la relation établie entre l'œuvre d'art elle-même et les autres phénomènes sociaux qui déterminent sa production. Aujourd'hui, certaines des conséquences sont devenues l'une des notions thématiques centrales, et celle qui a le plus parcouru, des différents registres offerts par ce tandem dont l'activisme politique, la stratégie économique et la recherche scientifique sont un bon exemple et qui ne va pas passé inaperçu dans l'œuvre de Béatrice Bizot.

Deux années de pandémie, marquées par l'inauguration de son projet de mémorial de Vila Seca pour les victimes des bombardements de la guerre civile, ont donné à Béatrice l'opportunité de continuer à travailler sur son projet personnel et de se retrouver dans son nouvel espace. Durant cette période convulsive, elle n'a jamais perdu de vue les mouvements erratiques qui s'opéraient, ni les désordres du monde moderne qui permettaient instantanément de réfléchir à vivre le silence latent à côté de la brutalité de l'instant.

Son travail, qui repose notamment sur la symbiose du corps humain avec l'architecture, éveille et conteste ici la sensation punitive de la mutation comme mécanisme de contradiction où l'impasse entre destruction et construction comme l'un des facteurs incontournables de la condition humaine lui permet dans les deux sens pour parler des autres questions plus personnelles qui la tracassent. L'artiste observe puis agit. Elle est comme un filtre du monde et des actions humaines et de leurs conséquences, de l'incertitude soudaine et de la résurgence injuste de la guerre et de la destruction.

C'est pourquoi elle recherche l'équilibre précaire de nos constructions les plus intimes mais aussi celui du monde qui nous entoure. C'est dans cette subtile bande de fragilité que Béatrice s'autorise à parler du changement continu, des hommes et de la nature ainsi que des questions qu'elle nous pose. "L'artiste analyse tout et construit les réponses". On retrouve l'empreinte du monde comme métaphore du temps dans les traces laissées par les matériaux dans ses œuvres, qu'elle utilise pour se demander ce qu'il nous restera après toute cette misère, toutes ces villes et ces vies qui ont été détruites. L'absence de réflexion sur la transcendance de ces actes a fait naître un besoin urgent de réagir et de repenser des concepts tels que la réaffectation, l'adaptabilité et la réappropriation, de nous délégitimer du modèle social qui nous a été traité et où les restes de tout cet insensé et le paysage éthico-politique décadent se déplacera vers la pratique dans ce que nous ne pouvons considérer que comme purement fonctionnel. Notre expérience de ses œuvres peut se situer dans ce moment précis, invitant à l'intériorisation, ou dans ce moment de concentration ou lorsque nous cherchons à découvrir quelque chose d'essentiel, comme un sentiment, une pensée ou une vérité intérieure. L'artiste l'appréhende comme une sorte de charme, la magie de la mise en place et la mutation voulue qu'implique le fait de pouvoir célébrer la beauté, voire la beauté de la dévastation.

- Manel Margalef, Directrice du Musée d'Art Moderne du Conseil Provincial de Tarragone