Pierre Tournier

Pierre Tournier ou les vols lumineux d'un oiseau nocturne

C'est vers l'âge de dix-sept ans que Pierre Tournier découvre et définit le langage et les matériaux de son art unique. Il est depuis resté fidèle à sa démarche qui, plus de trente ans plus tard, n'a pas encore épuisé ses richesses.

La peinture et la photographie sont les ingrédients de base de sa technique, qui les projette dans l'espace avec une simple lanterne magique. En pratiquant cette extension du support graphique bidimensionnel à un monde en volume sculpté par la lumière, notre homme passe du statut de peintre / photographe à celui d'architecte dont l'argument serait la lumière. Ses manipulations sont capables de changer l'apparence d'un lieu en un éclair au point de le rendre méconnaissable même à ceux qui le connaissent. Un système de masquage de la lentille de la lanterne manipulée par la main de l'artiste permet l'enchaînement rythmique de la projection d'images qui ajoute une touche de vie inimitable à l'inertie programmée de la machine. C'est ce que Pierre Tournier appelle ses "percussions picturales".

Lors d'une pérégrination en Espagne au début des années 90, l'artiste décide de combiner son art avec la recherche de la musique électronique car il la perçoit comme capable de communiquer une impulsion à sa création visuelle et de s'y incarner. Cette expérience trans-sensorielle d'une oreille à l'autre et vice versa est sans rappeler les préoccupations du courant psychédélique.

De la recherche de Pierre Shaeffer aux tendances du mouvement techno, de l'éclat du hip-hop, Pierre Tournier est certainement un artiste de son temps. Son domaine d'intervention est celui de la lumière artificielle de nuit industrielle et de performance. C'est pourquoi il est naturellement devenu scénographe / décorateur et travaille avec des danseurs et des poètes. Sa remarquable série de 17 portraits de chorégraphes est l'un des temps forts de sa production.

Il publie des œuvres sur une grande variété de matériaux et de formats. Nés du mouvement, elles constituent la trace encore frémissante du tourbillon d'instants uniques dont l'écho remonte à l'œil du spectateur transformé en contemplateur d'un monde redevenu silencieux.

- Jules Merleau-Ponty