Silva Usta

Silva Usta, artiste arménienne née à Istanbul, a étudié à Strasbourg l'art de la joaillerie, puis suivi les cours de l'école municipale d'arts plastiques de Nice (Villa Thiole). Elle aborde depuis les domaines les plus variés, et présente dans son atelier niçois, La Conciergerie Gounod, les œuvres de ses amis artistes et ses propres travaux. Son attrait pour les matières nobles, les gemmes et la parure, éveillé sans doute par l'orfèvrerie ancienne et les miniatures des manuscrits arméniens, célèbres pour leurs couleurs chatoyantes sur fond d'or, s'exprime dans ses mosaïques, décors d'objets dont elle a conçu le design, panneaux d'intérieur ou réalisations murales jouant avec la nature, qui se feront l'écrin précieux des gestes de ceux qui les habiteront.

Plexiglas, polymères, ébène, verre de Murano teinté dans la masse, broderies florales, tulle, plumes,

argent – Silva associe de même les matériaux les plus variés dans ses bijoux-sculptures, en attente et suggestion du corps qu'ils viendront parer de leur éclat baroque et de leur "charme inattendu" si baudelairien.

Car le corps est le thème constant de son inspiration, dessiné par les aplats de ses découpes d'ardoise et de plexiglas (là encore, rencontre d'une matière synthétique et d'un matériau traditionnel), ou gravé dans la plaque de métal, matrice de ses belles eaux-fortes érotiques, que Martin Miguel et Alain Freixe ont accompagnées de leurs poèmes – eaux- fortes qui célèbrent les joies charnelles, parallèlement à d'autres suites de gravures où Silva explore des ambiances urbaines et surréalisantes. Son art s'épanouit maintenant en de plus grands formats, où le corps n'est plus représenté, mais présent par le seul geste de l'artiste, inscrit dans une substance généreuse mêlant acrylique, huile et pigments sur des fonds peints à l'aérosol, lisses et nébuleux, d'où semble naître et jaillir la couleur. Silva y développe une ample écriture abstraite, dont les vagues et tourbillons paraissent se résorber en eux-mêmes et s'abolir en une sorte d'extase colorée, pour reprendre vie et se déployer à nouveau.  Le rythme souple des courbes concentriques domine, que viennent architecturer des touches plus géométriques. Un simple tracé de feutre vient parfois ajouter l'esquisse gracieuse d'un sein ou d'un visage. Dans une toile libre comme "Pulsation", le fond pommelé, noir et mauve qui occupe le bas de l'œuvre est traversé par un faisceau vertical partant de teintes froides pour exploser en une gerbe de bleu lumineux et de vermillon ourlé de quelques filets jaunes, et faire place à un ciel vaporeux et rouge. L'enchevêtrement des tracés crée un univers lyrique de formes inattendues, énigmatiques et séduisantes, en perpétuelle métamorphose. Les peintures récentes de Silva Usta réalisent ainsi une synthèse harmonieuse et exaltante de ses diverses pratiques. Elle titre d'ailleurs souvent ses toiles du nom des pierres semi-précieuses qu'elle utilise pour ses bijoux – rubis, opale, jade, cornaline, turquoise, spinelle aux rouges cristaux rectangulaires – et dont les couleurs se retrouvent, comme en fusion, dans sa palette d'artiste. La luminosité des teintes et la spontanéité du geste participent à la puissante séduction formelle de son œuvre où, au pur contraire du puritanisme ambiant, elle laisse libre cours au principe de plaisir. 

Jacques Simonelli